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“Tes épreuves se sont bien déroulées jeune apprenti” dit l’instructeur grisonnant au mâle Silverhand, “Ton entraînement a été l’un des meilleurs que j’ai vu sur plusieurs décennies. Tu peux être fier de toi.” Devant ces félicitations durement gagnées, l’apprenti fit un large sourire, de tels compliments étant rarement faits. “Mais ne soit pas trop fier” averti l’instructeur, “car un excès de fierté est ce qui a conduit celui que l’on honore à un terrible et néanmoins profond, destin. Récites pour moi le conte que tu as appris.” Puis, le vieil instructeur s’assit sur le sol, le dos reposant confortablement contre la base d’un ancien chêne. L’apprenti, qui paraissait plus nerveux que lors de son entraînement, commença à chanter.
Il était une fois un jeune guerrier, nommé Nuada, qui se pensait invincible sur le champ de bataille. Son seigneur lui avait offert une épée magique unique. Nuada s’entraînait tous les jours, durement, des prémices de l’aube jusqu’à l’obscurité la plus sombre, lorsque la lune se reflétait dans sa lame. Il savourait chacune des opportunités qui lui étaient données de pouvoir tester sa technique. Il partit en quête des plus braves guerriers de toutes les terres connues afin de les défier. Le sang et les destructions occasionnelles que pouvaient engendrer sa mission n’étaient qu’un détail pour lui. Durant des décennies, Nuada défendit son peuple contre ses ennemis, peu importe leurs origines. Il ne faisait aucune exception. Même après avoir été couronné roi, Nuada prenait toujours la tête de son armée, sans jamais renoncer à sa position de leader. Malheureusement, ses victoires nourrissaient son ego, gonflant aussi rapidement que la grandeur de son royaume.
Un soir d’été, une rumeur arriva aux oreilles de Nuada, contant qu’un très vieil ennemi était de retour, menaçant les Tuatha Dé Danann. Il avait déjà vaincu cet ennemi, et l’idée de devoir perdre son temps à le combattre le rendait fou de rage; étant sûr de sa victoire. Il toussa en guise de réponse aux menaces, faisant fi des avertissements lancés par la Cour Suprême. La Cour lui dit pourtant que cet ennemi devait avoir un allié puissant, ou une nouvelle arme pour faire preuve d’autant d’audace. Ils entendirent parler d’un lieu nommé “The Depths”, et des créatures puissantes et étranges qui y vivaient. Les chefs pensaient que leurs ennemis avaient visité cet endroit pour en revenir changé, plein de nouveaux pouvoirs. Nuada n’était pas impressionné par de telles rumeurs; faisant voeu de nettoyer cet endroit une fois que la vie de ses ennemis se serait abandonnée à sa lame. Il avait toujours su garder ses terres propres de toutes abominations; et ce ne seront pas ces soi-disant “Depths” qui feront exception, se dit-il.
Alors que passaient les jours, les Tuatha Dé Danann se préparaient pour l’invasion. Lorsque les premières gelées prirent possession de leurs nuits, les éclaireurs du royaume repérèrent des envahisseurs au large des côtes. Invoquant la Wild Hunt, Nuada fit le voeu de fondre sur les envahisseurs et de vaincre leur chef en combat singulier. Il renverrait alors sans merci l’ensemble des forces dans leurs propres terres, avec un avertissement. La Cour n’eut pas la possibilité de se réunir avant que Nuada et la Hunt ne partent. Ils s’élancèrent vers les rivages, les sabots auréolés de feu de leurs montures qui ne semblaient pas toucher le sol. Après quelques jours et quelques nuits à chevaucher, ils atteignirent un surplombement, duquel ils purent observer, cachés par l’obscurité, le débarquement des envahisseurs. Jamais auparavant les Tuatha De Danann n’avaient fait face à des forces d’une telle taille, et même Nuada fut surpris et troublé par leur nombre. Le malaise de Nuada s’accrut lorsqu’il ressentit la présence d’un traître, dans le camp même des envahisseurs. Un Tuatha Dé Danann se trouvait là en bas, il en était certain. Alors il sut, c’était Bres, un vieil ami à lui. Bres avait quitté les Tuatha Dé Danann en recherche de puissance et nouveaux pouvoirs, et maintenant il se tenait sur le rivage avec l’ennemi ! L’ego surgonflé de Nuada fut touché en réalisant ça et il devint furieux. Il jura d’exécuter Bres pour sa trahison. Dans le camp envahisseur, imposante derrière Bres, se tenait une étrange statue n’ayant qu’un seul oeil. Nuada avait entendu des rumeurs à propos de cette statue, on l’appelait Balor.
S’élançant depuis la colline, suivie de la Hunt, Nuada mit au défi leur leader de sortir de sa cachette et de venir le combattre en duel. A sa surprise, Bres répondit à son appel. Se détachant des rangs de l’ennemi, Bres avait l’air grandement changé face au jeune Tuatha Dé Danann que Nuada avait un jour appelé son ami. Son corps, bien qu’ayant toujours les signes de sa race, avait changé très subtilement. Son aura, un jour brillante et authentique, avait fait place à l’obscurité, ayant perdu sa forme, et irradiant d’une lumière froide, malfaisante. Dans sa main droite, Bres portait une épée noire d‘obsidienne. Semblant vivante, sa forme changea à la lueur de la lune. Nuada avait d’abord pensé que c’était dû à la lumière des torches, vacillante, bien qu’il puisse sentir l’aura de l’épée, sombre et changeante. Elle était vivante. Bres, réalisant que Nuada avait vu son épée, lui dit que ce n’était qu’une des nombreuses surprises qu’il lui avait préparé. Il s’enorgueillit de son voyage dans The Depths, la profondeur à laquelle il s’était aventuré, pour en ressortir bien plus puissant. Son épée était l’un des trésors qu’il avait gagné. Bres vanta les pouvoir de ces trésors, bien plus puissants que les pauvres breloques que possédaient les Tuatha Dé Danann, y compris l’épée de Nuada. Sans s’incliner et faisant fi des coutumes habituelles, Bres chargea vers Nuada et entama le combat.
Surpris par les déclarations de Bres et son manque de respect et d’honneur, Nuada commença le combat avec un petit désavantage, même si toutes ses années d’entraînement lui donnèrent le temps de reprendre son sang-froid. Lentement et sûrement, Nuada prit le dessus sur Bres, le repoussant vers la mer. A chaque son des coups donnés, la confiance de Nuada grandissait; il savait que la bataille était finie, mais Bres ne semblait pas s’en rendre compte. A chaque coup qui le repoussait, il souriait. Son sourire vira à l’éclat de rire lorsque Bres sentit l’écume des vagues contre ses sandales. Leur duel continua des heures entières, Bres prenant chaque coup de Nuada, mais sans lui concéder la moindre portion de territoire. Bres était tel l’un des gros arbres d’Ironwood qui bordaient Tír na nÓg, immobile et immuable même sous les coups les plus puissants de Nuada.
L’aube s’effaçant, les deux guerriers combattaient toujours aussi férocement, mais Nuada commençait à sentir la fatigue. Après avoir assené un coup particulièrement fort, il glissa, affaibli. Comme si Bres attendait ce moment, son rire devint hystérique et il provoqua Nuada. Bres le mis au défi de taper plus fort, lui disant qu’il n’avait pas encore transpiré. Il se rit de la fatigue de Nuada. Les provocations de Bres devenant insistantes, Nuada combattit plus fièrement encore, mais ne trouva pas d’ouverture pour infliger un coup véritablement sérieux. Alors que le soleil se levait au-dessus des imposantes falaises, la fatigue de Nuada se faisait de plus en plus évidente. Bres pris alors l’offensive, conduisant Nuada dos aux falaises, ses coups passant ses défenses et finalement son armure. Avec chaque coup, Nuada sentait un froid mordant déferler dans son corps depuis le point d’inpact. Il vit que même la Wild Hunt s’inquiétait à propos de leur chef et les forces de Bres commencèrent à l’encourager frénétiquement pour qu’il mette fin au combat. A cet instant Nuada jura avoir vu l’oeil de Balor bouger, mais il attribua cela à la fatigue. Désespéré, il essaya un dernier tour. C’était un mouvement qu’il avait appris étant jeune. Quand ils s’entrainaient, Nuada avait battu Bres un bon nombre de fois en usant de cette même technique. Il pria pour que cela fonctionne une fois de plus. Cependant, alors qu’il préparait son attaque, un maigre sourire se dessinait au coin des lèvres de Bres. C’est ce qu’il avait attendu toute la nuit, il s’était entraîné durant des années, juste pour cet instant. Lorsque Nuada tourna, déplaçant si rapidement son épée qu’elle était à peine visible sous la lumière du soleil, Bres la bloqua de sa main gauche. L’épée traversa l’armure de Bres mais au lieu d’une blessure dans la chair, il frappa du métal. A l’impact, une douleur traversa les os du bras droit de Nuada, malgré l’insensibilisation grandissante due au froid intense. Bres abattit alors sa lame, détruisant la précieuse épée de Nuada. La lame se brisa en plusieurs morceaux, chacun recouvert de glace et de givre. Pendant un instant, Nuada se tenait stupéfait devant Bres, abasourdi par l’énormité de ce qu’il venait de se produire. Réalisant pleinement qu’il venait alors de gagner, Bres le frappa à nouveau, sectionnant cette fois la main droite de Nuada. Il poursuivit d’un coup de pied dans les jambes, qui le fit s’agenouiller. “Tu as perdu ô puissant Roi, et comme le dit la coutume, ces terres sont à présent miennes de droit ! Retourne à Tír na nÓg et annonce à notre peuple que leur véritable Roi est arrivé” rugit Bres.
En dépit du choc et de sa blessure grave, Nuada n’était pas décidé à perdre et il chargea. Bres avait prédit le mouvement et l’esquiva en douceur. Lorsque Nuada le dépassa, Bres découpa vivement le reste du bras droit de Nuada. “Je peux continuer autant que tu peux le supporter. On dirait que tu as besoin d’un rappel sur qui est le Roi maintenant”, ricana Bres se tournant vers ses troupes, “Tuez-les tous, mais laissez les estropiés en vie.” Les envahisseurs s’abattirent avidement sur la Wild Hunt et continuèrent leur boucherie jusqu’à voir le dernier d’entre eux étendu, mort, les corps découpés en morceaux, jonchant le sable ensanglanté. Bres ordonna de collecter les têtes dans un sac qui semblait fait de peau humaine. Bres alluma une torche et l’utilisa pour cautériser la blessure de Nuada au niveau de l’épaule. Plaçant le corps inconscient et le sac ruisselant sur son Phouka, il commanda à son étalon d’aller à la maison de son enfance à Tir na nÓg, décharger son fardeau, et retourner à la flotte.
Le Phouka était ravi d’entendre ces ordres. Le cheval le considéra comme un vrai travail. Bondissant sans raison, il chercha le sol le plus inégal, multipliant les détours inutiles et faisant généralement tout son possible pour rendre la balade aussi douloureuse que possible pour son passager. Le cheval mesurait visiblement son succès au gré des gémissements provenant de son chargement, sa joie grimpant à chaque grognement de protestation. Approchant la capitale de Tir na nÓg, le Phouka fit une pause en dehors des portes dorées ornées, se dressant sur ses pattes arrières, lâchant brutalement Nuada et le sac sur la pierre d’entrée. Prenant les formes d’une femme attirante, le Phouka s’avança alors vers la porte et annonça à la ville que leur nouveau Roi était en chemin. Elle avertit qu’ils avaient droit à sept passages du soleil pour préparer un accueil plus convenable. Sans attendre de réponse, elle s’éloigna à grandes enjambées de la ville, défiant tous ceux s’y trouvant de lui tirer dans le dos. Découvrant ce qu’il était arrivé à Nuada et la Wild Hunt, les habitants de la ville furent effondrés, aussi certainement que si les murs de la ville s’étaient écroulés.
Une soigneuse Hamadryade s’occupa de Nuada, qui était encore inconscient à la suite de ses blessures lorsqu’il fut conduit dans la ville. En reprenant connaissance il raconta honteusement l’histoire complète à la Haute Cour. La plupart des dirigeants le condamnèrent et le réprimandèrent, mais personne ne le blessa autant que sa bien-aimée Morrigan. Au lieu de parler, elle se changea simplement en corbeau, vola en cercle trois fois au-dessus de sa tête et sorti de la Cour. Lorsqu’il vit cela, ce qu’il lui restait de fierté fondit comme neige au soleil. Les sept jours suivant, la Cour se réunit et débattit sur la façon de réagir à ce soudain changement de destinée. Certains voulaient une résistance, ignorant l’accord que Nuada avait fait au début de son duel fatidique. Ils argumentaient que Bres avait brisé le protocole et, de plus, Nuada n’avait pas reçu la bénédiction de la Cour au préalable. D’autres membres de la Cour avancèrent l’importance de leur honneur et incitèrent à la reddition.
Alors que la soigneuse put accélérer le processus de récupération, elle ne put néanmoins sauver le bras de Nuada. Il oscillait entre la conscience et l’inconscience, mais il découvrit qu’il lui était impossible de fuir ce désastre dont il était lui-même l’auteur, même dans son sommeil. Il dormait souvent, et ses rêves n’étaient que tortures. Il y voyait un lieu qui ressemblait aux Depths, et toutes les créatures qui y croupissaient. Chaque nuit se terminait par le même cauchemar, son bras, séparé de son épaule, s’échouant sur le sable, dégoulinant de sang jusqu’à former une rivière. Cette rivière passait alors à travers un trou dans le sable, pour disparaître, alors que son bras, entouré de morceaux de son épée fracassée, continuait de convulser.
Au sixième jour, Nuada passait la majorité du temps éveillé. Il n’était cependant plus que l’ombre de lui-même. Sa confiance fut remplacée par l’humiliation et une colère bouillonnante. Il n’était pas fâché d’avoir perdu son Royaume ni même ses amis de la Hunt, mais pour sa défaite au combat. Dégoûté de lui-même, il décida de fuir la ville se jurant de revenir un jour et tuer Bres. Il savait où il devait aller. Cet endroit même où Bres fut un jour, les Depths. Ramassant les morceaux de son épée brisée, il partit sans dire mot. Alors qu’il partait pour sa quête, l’armée de Bres descendit sur la ville, maintenant non gardée, afin d’imposer la loi de leur nouveau maître. Des années durant, Nuada voyagea, en recherche de l’entrée de the Depths. Nombreux étaient ceux qui avaient entendu parler du lieu, mais personne ne savait le localiser exactement. Comme un chien chassant une proie, Nuada suivait chaque piste. Au lieu de diminuer avec la temps, sa colère se renforçait, et à chaque instant où il sentait la perte de son bras, il vociférait de nouveau contre Bres. Il errait de royaume en royaume, découvrant de nouvelles choses, contemplant des paysages incroyables, parfois mouvants, mais rien ne pouvait calmer sa rage. Il reprit son régime de guerrier, légèrement modifié, afin d’être prêt à combattre de nouveau – le moment arrivé, après la découverte des Depths. Il s’entraîna à combattre du bras gauche. Il retravailla son équilibre, son jeu de jambes, et bien qu’il n’avait en sa possession qu’une simple épée à une main, il regagnait confiance en lui, et ses compétences s’amélioraient.
Durant ces années, Nuada s’était vu forcé à travailler, exécuter de menues tâches afin de gagner assez d’argent pour ses voyages, recherchant souvent les connaissances requises en fonction de la carrière. Après avoir terminé une mission qui lui parut un enchaînement infini de gardes de caravanes, il rencontra un marchant qui lui dit avoir vu l’entrée des Depths. Il lui offrit de lui dire la situation de l’endroit en échange de partager avec lui tous les biens qu’il pourrait y rencontrer. De plus, si Nuada acceptait d’accompagner la caravane jusqu’à l’entrée, le marchand lui proposa d’engager un Dvergr afin de lui forger une épée et une armure de bonnes factures afin de l’aider dans sa quête. Nuada, bien que plutôt méfiant, accepta l’offre, n’ayant finalement pas grand-chose à perdre. Puis, si le marchand lui mentait, il avait une solution tout prête, gaucher ou non. Prenant le pari, Nuada accompagna le marchand, qui était aussi bon que sa parole. Plusieurs années après, Nuada et son équipe de mercenaires se trouvaient devant le grand monolithe noir qui servait d’entrée au Depths…
Se tenant face à l’immense monolithe, noir, froid, servant d’entrée à The Depths, Nuada s’arrêta un instant pour réfléchir à ce qu’il avait appris de cet étrange endroit au cours des dernières années. Bien que la porte se trouvait physiquement ici, passer à travers conduirait Nuada au lieu où The Depths se trouve exactement. Ce pourrait être dans les profondeurs de notre monde, ou bien d’un autre, ou même un endroit situé dans une dimension totalement différente. Il y avait même des histoires racontant que ses portes pouvaient vous transporter dans un autre temps, mais Nuada ne prêtait que peu d’attention à de telles rumeurs. La magie était une chose, courber le temps en était une autre. Il pensait pourtant que l’entrée était consciente et qu’elle aurait pu prendre n’importe quelle apparence. Quelqu’un cherchant à rentrer devait convaincre la porte de s’ouvrir. Ce n’était pas qu’un donjon empli de légendes, obscure et sans fond, s’ouvrant sur une simple phrase ou incantation; c’était une vaste énigme qui avait littéralement son propre esprit.
Le fait de savoir cela déclenchait une sensation de peur exceptionnelle à Nuada. Avant Bres, il n’avait jamais connu ce sentiment, mais maintenant qu’il connaissait à la fois la défaite et la peur, il n’aimait ni l’un ni l’autre. Il pensait ses motivations pures, bien que rien n’ait pu réprimer la rage qui menaçait de déchirer son torse lorsque ses pensées se tournaient vers Bres. Nuada n’avait pas le moindre doute sur le fait qu’il pouvait prouver sa valeur et que The Depths le récompenserait généreusement, de trésors bien plus grands que ceux accordés à Bres. Il retournerait ainsi chez lui pour réclamer sa véritable place auprès de son peuple. De plus il aurait une petite conversation en privée avec certains membres de la Cour incluant sa propre petite fille. Ils apprendraient la folie que c’était d’avoir douté de lui, et pire, de l’avoir humilié en public.
Se tenant devant le monolithe avec ses compagnons, Nuada évalua l’étrange assemblée que le marchand avait regroupée. Elle était composée de races représentant les trois Royaumes. La plupart d’entre eux semblant jeunes, même si se fier à l’apparence menait souvent à l’échec, et d’autant plus dans ce monde bouleversé. Ce qui comptait vraiment était l’expérience et la puissance, toujours la puissance. Il nota quelques auras brillantes dans l’équipe, mais la plupart d’entre eux semblaient n’avoir reçu leur force que récemment. Cela se confirma alors que Nuada se tenait contre un arbre, regardant silencieusement certains d’entre eux qui essayaient d’entrer dans The Depths. Un par un ils marchaient vers le monolithe et invoquaient des entités magiques, ou scandaient des refrains d’anciens langages. Tout ce qu’ils recevaient en échange n’étaient que des visages meurtris, des gorges desséchées et parfois le rire moqueur d’une invocation. Nuada compris qu’il n’y avait aucun moyen de forcer ou piéger l’entrée. Lors de ses voyages il avait entendu que la clé était d’observer la forme de l’entrée, déchiffrer ses indices, et les refaire exactement de la même manière. Cette partie le rendait perplexe.
Pendant plusieurs jours ses compagnons continuaient leurs tentatives futiles, et Nuada le pensait, peu convaincantes, d’ouvrir le monolithe. Soudain lui vint une idée, le monolithe était sans relief, lisse et sans aucune marque dessus. C’était une ardoise vierge. La noirceur de sa surface lui suggérait, bien entendu, l’obscurité. Souriant de son idée, Nuada dit aux mercenaires de se reposer et d’attendre la prochaine nuit sans lune, nuit durant laquelle il ouvrirait le monolithe. Se moquant de son idée, ils se mirent d’accord pour attendre quelques jours. La plupart des mercenaires passèrent leur temps à jouer aux cartes, à parier ou bien à raconter des histoires relativement choquantes. Deux d’entre eux restèrent tranquilles, et Nuada se rapprocha d’eux. Le premier était un Dvergar nommé John BigBoote, d’aspect jovial et d’humeur contagieuse. L’autre était une humaine nommée Nimue. Il sentait un grand pouvoir émaner de cette femme et il était ravi qu’elle fasse partie de la compagnie. Durant les trois jours suivants, pendant que les autres passaient leur temps sur des activités inutiles, ces trois commencèrent à se rapprocher et planifier le futur.
Durant cette période de repos, Nuada en apprit beaucoup sur Nimue et John. Nimue était considérée comme une mage prometteuse au sein de l’académie de magie la plus célèbre de son royaume, connue simplement sous le nom de l’Académie. Elle avait su montrer des qualités exceptionnelles au début de son apprentissage, et son physique lui avait valu d’être vite repérée par certains des membres les plus puissants de cette école. Bien qu’elle connaisse l’effet qu’elle faisait sur ces gens, elle ne prêtait que peu d’intérêt envers leurs intentions. Elle voulait uniquement apprendre à manier la magie, et toute autre activité en dehors de cela ne l’intéressait pas. Comme beaucoup de personnes de son âge, elle était guidée par ce qu’Arthur voyait comme un nouveau monde. Nimue désirait être à ses côtés pour construire cette voie vers un meilleur futur. Elle n’était pas non plus obtus, ni ne prêchait sans cesse pour ses idées, mais on pouvait sentir dans son regard l’ardeur et la passion de la jeunesse, renforcées par cette conviction et ce besoin de réussite que Nuada avait aussi connu en son jeune âge. Il ne pouvait s’empêcher de se sentir un lien paternel avec elle, même dans son état.
John, quant à lui, était un Dvergar qui appréciait pleinement la vie. Il connaissait quantité de contes sur la vie souterraine. Il parlait sans cesse de son peuple, sa famille et la beauté, les merveilles et les dangers qui sommeillaient dans les profondeurs de la terre. John aimait boire quelques gouttes et à la fin de la première nuit, il avait épuisé sa petite (en standards Dvergs) réserve de boisson et recherchait constamment les provisions que ses compagnons auraient pu dissimuler. Il se vantait aussi des batailles qu’il avait faites mais Nuada ne prenait pas offense de ses mots car John racontait l’histoire d’une façon telle qu’il minimisait sa propre importance mettant l’accent sur ceux pour qui il se battait. Nuada aussi trouva qu’il faisait bonne impression à John, en dépit de la tendance du peuple de Nuada à prendre les Dvergr de haut, au propre comme au figuré.
A la tombée de la nuit, après une journée parfaite sans nuage, une pluie torrentielle s’abattit. Même lorsque la lune atteignit son sommet on ne distinguait pas la moindre lumière même en ayant des sens les plus affûtés qu’il soit. Attendant que l’instant le plus sombre de la nuit se présente devant eux, Nuada demanda à ses compagnons de se tenir devant le monolithe, parfaitement immobile. Ils devaient vider leurs esprits et simuler, du mieux possible, l’aspect parfaitement lisse et immobile de la structure du monolithe. A contrecoeur tous les mercenaires firent de leur mieux pour faire ce que demandait Nuada mais il leur était difficile de vider leurs esprits. Il leur manquait la discipline de Nuada. Bien sûr, Nuada et ses nouveaux amis étaient déjà préparés, ce fut donc assez facile pour eux. Après de nombreux essais infructueux, les mercenaires parvinrent à se poser et vider leurs esprits. Cependant, rien ne se produisit dans un premier temps et ils crurent que ce n’était qu’une autre tentative en vain. Puis soudain, le monolithe éclaira le ciel d’une lumière rouge aveuglante. La lumière se concentra en un rayon écarlate et toucha un par un chacun des aventuriers. Sur certains il persistait, sur d’autres il passait rapidement au-dessus de leur tête. Lorsque tous les aventuriers furent ainsi touchés, le rayon devint d’un blanc pur et sa forme changea, prenant l’apparence d’un tourbillon inversé. Avant même de pouvoir réagir, le tourbillon avait avalé les aventuriers. Le moment suivant ils étaient au seuil de portes dorées comportant d’étranges inscriptions. Les inscriptions donnaient l’impression d’avoir poussées ici, plutôt que d’avoir été gravées d’une main habile.
Qu’elles furent des abominations ou des légendes, ou bien quelques créations d’un esprit dérangé, les images sur les portes étaient inconnues pour les aventuriers. Nuada haussa les épaules, faisant fi de toute précaution. Si Bres avait pu survivre ici, il n’aurait pas de problème. Il se posta face aux immenses portes, et tira les poignées d’or géantes. A la surprise générale, celles-ci s’ouvrirent sans un bruit, glissant doucement contre la surface polie du sol. Reprenant de son ancienne confiance, Nuada héla The Depths, criant à toutes les créatures présentes qu’il était là; révélant ainsi son identité à ses compagnons. Cette révélation eut un effet bouleversant pour beaucoup d’entre eux, le nom et les aventures de Nuada étant bien connues dans le monde. Il rit de leurs réactions. Il promit à tous le pouvoir et la gloire s’ils le suivaient. Tous les mercenaires furent d’accord, même leur chef. Honnêtement, ils ne savaient pas trop quoi craindre le plus entre cet endroit et la colère légendaire de Nuada. John et Nimue avaient bien suspecté que leur compagnon était plus que ce qu’il ne semblait, mais le fait qu’il fut Nuada les surprit tout de même. Nuada les guida vers l’entrée de la première caverne, endroit qui un jour serait appelé la Caverne des Ames Perdues.
Les mercenaires suivirent un chemin bien entretenu, à leur grande surprise, bien que la lumière de leurs torches ne parvienne pas à pénétrer l’obscurité qui les enveloppait. Même pour un Dvergr, pourtant connus pour leur vision souterraine, il était difficile de voir dans l’opacité anormale de cette pièce. Nuada pensait que cette pièce était relativement grande, jugeant des échos de leurs pas sur le sol de pierre. Frustré de ne pas pouvoir voir plus loin que la largeur d’une main, Nuada en appela à la magie de certains de ses compagnons pour invoquer de la lumière. Le plus faible des mages du groupe invoqua donc une boule de lumière, qui fut absorbée presque instantanément par l’obscurité profonde, comme happée par la bouche d’une créature gigantesque. Nimue essaya à son tour, mais n’eut pas plus de succès que son partenaire. Nuada leur ordonna alors de le faire ensemble. Après quelques tentatives échouées, ils réussirent finalement à créer assez de lumière pour voir que la salle était remplie de grandes statues. Aussi bien qu’ils purent en juger, celles-ci représentaient toutes les races connues du monde, ainsi que certaines qu’aucun d’entre eux ne put identifier. Certaines d’entre elles étaient déformées, d’apparences horribles, semblant se moquer de ce qu’un jour fut ce qu’elles représentaient. D’autres étaient toutes droites, attendant leur retour à la vie. Alors que la boule de lumière traversait la pièce, elle révéla une caverne très grande, possédant d’innombrables statues, bien trop pour être comptées. Il apparaissait clairement que certaines d’entre elles portaient des armures et des accessoires très travaillés, ainsi que des armes de qualité légendaire.
L’un des membres du groupe, un jeune Leprechaun, vêtu d’un justaucorps rouge et d’un pantalon doré, put à peine contrôler son excitation. Ses yeux brillaient et changeaient de couleur alors qu’il apercevait les richesses. Sans attendre l’accord de Nuada, il bondit hors du chemin, atterrissant agilement près de l’une des statues. Nuada cria un avertissement à son attention et fut surpris que rien ne se produise alors que le Leprechaun prélevait furtivement un torque d’or de la statue. Ricanant de l’ordre de Nuada, le Leprechaun claqua sur sa hanche et sautilla, invitant ses compagnons à le rejoindre pour ramasser le butin. Remplissant un sac d’autant de richesses qu’il pouvait porter et se moquant de la timidité de ses compagnons, le Leprechaun revint tranquillement sur le chemin, le sac débordant de butins. Dès qu’il mit le pied sur le chemin, il se figea, à mi foulée, se changeant soudainement en pierre. Certains déglutirent, mais Nuada ne sentit pas le moindre remord à la perte du Leprechaun, il avait été prévenu. S’il avait pu ressentir quelque chose, ce fut dissipé par cette mort, et il ordonna aux mercenaires de suivre le chemin et de sortir de cette caverne maudite, comme il l’aurait fait du temps où il était Roi. Alors que le dernier mercenaire sortait de la pièce, Nuada se tourna pour regarder le Leprechaun figé. Il ne pouvait plus voir la statue, mais les jours suivants, Nuada jura que, du coin de l’oeil, il l’avait vu bouger, comme si la statue avait été emportée par une entité invisible.
Nuada conduisit rapidement les mercenaires vers ce qui semblait être l’intersection de trois chemins. Alors qu’ils marchaient, ils sentirent que le sol, jusqu’alors poli, devenait plus irrégulier. Plusieurs d’entre eux regardèrent, pour se rendre compte que ces aspérités étaient provoquées par ce qui semblaient être des morceaux de corps directement intégré dans le chemin; apparemment fusionnés directement avec celui-ci. Un seul regard suffit pour faire comprendre à tous qu’il ne valait mieux pas baisser les yeux. Sortant leurs armes à l’approche de l’intersection, ils ralentirent, de peur ou bien simplement en cas d’une rencontre imprévue.
Arrivant au centre, ils firent face à une statue ayant une petite plateforme au-dessus d’elle, d’où éclatait une grande flamme aux couleurs changeantes. La statue semblait irradier un certain maléfice, silencieux mais palpable. La flamme ne ressemblait pas à un feu “normal”, l’on aurait dit que des gemmes dansaient autour des flammes. La chose la plus étrange était que la statue semblait changer d’apparence en fonction de qui la regardait. Pour l’un des hommes de la troupe, elle apparut comme une femme au corps voluptueux, portant un crâne à la place de la tête, des griffes ensanglantées à la place des mains, et des pieds qui ressemblaient à des tentacules de créature marine. Pour Nimue, la statue apparut comme une femme dont le corps semblait pénétré de lances, se tordant de souffrance. Pour Nuada, il s’agissait de lui-même, sans ses bras, avalant une lame qui ressortait de son corps là où l’on pouvait se douter. Alors qu’ils restèrent figés, happés par la pouvoir de la statue, la statue continuait de changer de forme, de plus en plus horrible. Chaque changement provoquait une grande agonie pour celui qui la regardait.
Le plus jeune des invocateurs perdit alors tout bon sens, et commença à matérialiser le plus puissant de ses sorts de feu pour détruire l’abomination personnifiée qui lui faisait face. Dès que le mage commença son invocation, Nuada cria à tout le monde de se disperser. Lorsque le sort atteignit la statue, ils se rendirent compte que la magie n’était pas une bonne idée. Celle-ci changea de nouveau de forme, pour prendre l’apparence d’un élémentaire de feu. Libéré de ses chaînes, la créature se tourna vers son sauveur, et en acte de remerciement le piétina, réduisant le pauvre homme en cendres. Plusieurs des autres mercenaires s’enfuirent, voulant sauver leur vie à tout prix. Nimue tint en place, commençant une invocation bleutée, rappelant des sorts d’eau ou de glace. Le seul autre mercenaire restant là, John, fit face, devant la jeune mage, et frappa le sol de ses bras tels deux gros marteau; le faisant trembler et secouer. Nuada, appréciant leur courage, s’élança vers eux et sortit son épée.
Tout en les approchant, l’élémentaire lança des boules de feu vers le trio, sans grand effort et avec une précision incroyable. Nimue avait prévu cela et invoqua un mur de glace, bloquant les attaques de feu de la créature, ainsi que sa vision du groupe. Cela enragea le monstre, et sa colère intensifia ses attaques. Nimue fit tout son possible pour maintenir le mur, mais ses réserves de magies s’estompaient, de plus en plus vite. Nuada et John savaient qu’ils devaient agir rapidement. John, dans toute la splendeur de son peuple, voulut charger la créature, clamant que sa peau recouverte de pierre le protégerait. Il conseilla à Nuada de rester en arrière, pour chercher une ouverture et frapper fort. Nuada, comme à son habitude, avait sa propre idée en tête. Il demanda à John d’utiliser ses bras de pierre pour frapper le pont et ainsi commencer à le renverser. Prenant note de l’intelligence de cette idée, le Dvergr commença à marteler la structure. Lorsque le pont fut proche de l’effondrement, Nuada lui ordonna d’arrêter. Il demande alors à Nimue de lancer une fine couche de glace contre celui-ci. Le plan étant maintenant en place, les trois compagnons reculèrent afin de voir ce qui allait advenir.
De façon prévisible, l’élémentaire traversa le mur et approcha du pont affaiblit. Il était sur le point de marcher dessus mais fit une pause, regarda en contrebas et rit. Le rire était horrible, il mit mal à l’aise ceux qui l’entendaient. Cette créature n’était pas une brute sans cervelle, mais dotée de conscience et diabolique. L’élémentaire pointa le ciel, fit une insulte au groupe et frappa ses poings l’un dans l’autre. Puis il recula de quelques pas et se prépara à sauter de l’autre côté de la section. Voyant ceci, John fit de même et alors que l’élémentaire sauta en l’air, John le chargea et ils se percutèrent dans les airs au-dessus de la partie affaiblie du pont. A l’impact le son de cet épique choc fit écho dans les profondeurs des cavernes. Alors que John se cramponnait à la jambe de l’élémentaire, celui-ci réalisa rapidement ce qu’il allait se produire mais su aussi qu’il était trop tard pour en changer l’issue. Pendant que le pont s’effondrait sous eux, le rugissement de rage de la créature fut noyé sous les rires de John. Tombant dans l’obscurité Nuada pouvait entendre John combattre l’élémentaire criant qu’il avait besoin “d’échauffement de toute façon”. Le son de la voix de John et de la bataille continuant entre lui et l’élémentaire s’atténua petit à petit à mesure que Nimue et Nuada s’éloignaient du bord du pont.
Nuada était émerveillé par le sacrifice du Dvergr, qu’il connaissait à peine, ne sachant que faire de lui. Après un bref repos de quelques secondes, Nimue et lui revinrent sur leurs pas, cherchant un chemin pour contourner le pont maintenant effondré.
Le nombre de personnes du groupe chutant brutalement à juste deux, même Nuada pensa que faire demi-tour était une bonne idée, et Nimue était visiblement d’accord. Rebroussant chemin espérant retrouver la porte, ils découvrirent rapidement que l’entrée de la Caverne en Pierre des Ames Perdues n’était plus là. En lieu et place se trouvait un tunnel couvert de ce qui ressemblait à des souches d’arbres biscornues. Nuada prit ceci pour un bon présage car, après tous, les arbres, peu importe leurs formes, il les connaissait bien. Lorsque Nuada entra dans le passage, il découvrit rapidement qu’il avait été un peu trop optimiste, et qu’il s’agissait plutôt d’un signe avant-coureur d’une scène bien plus horrible qui défilait maintenant sous ses yeux. Tandis que Nimue et Nuada progressaient à travers le tunnel, ils remarquèrent qu’il était éclairé par une faible lueur verte, émanant de mousses malades et de lichens recouvrant chaque centimètre de la surface du tunnel, et qu’elle sembler briller au rythme de la respiration d’une créature. Se sentant particulièrement mal à l’aise, Nimue invoqua un oeil mobile pour l’envoyer en éclaireur à mesure qu’ils avançaient dans le tunnel. L’oeil n’eut pas à s’éloigner de plus de quelques pas avant qu’un pied de vigne tombant du plafond ne l’attrape et l’écrase. Lorsque les morceaux de l’oeil tombèrent au sol, la mousse sur laquelle ils atterrirent les avala dans un bruit de succion. Sachant qu’ils n’avaient d’autres choix que de continuer, Nuada pressa gentiment les épaules de Nimue et, ensemble, ils avancèrent lentement, Nuada ayant la main gauche sur la garde de son épée, près à dégainer.
S’approchant du centre, Nimue invoqua la magie de la glace pour tenter de congeler le plafond et ainsi éviter de savoir si sa tête ferait le même bruit de succion impressionnant que le fit l’oeil. Cela fonctionna, et le pied de vigne ne les frappa pas, comme figé, immobile. Cependant, à mesure qu’ils continuaient de marcher dans le tunnel, ils virent des créatures émerger de masses vertes ressemblant à des gousses attachées aux murs et au plafond. Ces choses étaient un peu humaines, un peu plantes et surtout un cauchemar. Elles avaient une petite stature mais de grands yeux ainsi que des bras et jambes difformes. Ces dernières étaient comme des plantes et chaque pas qu’ils faisaient laissait une traînée sur le sol, celle d’un serpent, mais plus petite. Leurs bras par contre étaient puissant et semblait appartenir à un forgeron. Nimue commença à lancer furieusement des sorts, envoyant de petits éclats magiques de glace tandis que Nuada dégaina son épée. Il chargea à travers ces créatures et commença à les découper en pièce, mais il découvrit rapidement que chaque créature coupée était remplacée par deux ou trois autres. Nimue avait plus de réussite, ses sorts congelant les créatures, aucune nouvelle n’apparaissait. Mais aussi puissante qu’elle fut, elle commença à se fatiguer rapidement. Nimue était plutôt jeune et ce n’était que sa deuxième mission en tant que mercenaire, elle n’avait donc ni l’entraînement ni les réserves magiques nécessaires que les vieux mages expérimentés développent au cours du temps.
Nimue et Nuada continuaient à avancer, si bien qu’ils arrivèrent rapidement au point où ils n’avaient plus de créatures en face d’eux; mais derrière une armée entière était à leur poursuite, se déplaçant aussi rapidement que leurs permettaient leurs pattes-plantes. Tandis que les créatures courraient en masse à travers le tunnel, le son qui les accompagnait agressait leur ouïe, en plus de leur odorat. Le confinement du tunnel fit écho et magnifiât les sensations assaillant Nuada et Nimue à mesure qu’ils continuaient de se battre pour leurs vies. Nuada baissa les bras devant l’armée, proche d’eux, car il savait que ses compétences et son arme n’étaient pas suffisants pour les vaincre tous. Nuada, au lieu de fendre de son épée, décida astucieusement de l’utiliser comme une masse, la tenant par la garde et l’agitant d’avant en arrière. Ses mains étaient ensanglantées par cet effort, mais au moins il ne générait plus de multiples créatures à chaque fois qu’il donnait un coup. Nimue aussi leur résistait, lançant ses sorts plus lentement qu’avant. Mais même à ce rythme réduit, ses efforts continuaient à drainer son énergie. Nuada vit que son aura s’affaiblissait et qu’il ne restait pas longtemps avant qu’elle ne tombe à cours d’énergie. Nimue s’en aperçu aussi. Alors qu’ils continuaient leur progression à travers le tunnel, une faible lueur d’espoir survint lorsqu’ils aperçurent un autre portail au bout du Tunnel Vert de la Mort. Cependant ils ne l’atteindraient pas avant d’être submergés s’ils continuaient sur ce rythme. Nuada pensa à attraper Nimue de son bras valide et courir vers la sortie mais il savait que c’était inutile. Les créatures avanceraient bien plus vite si Nimue arrête ses invocations.
Comme si elle pouvait lire dans ses pensées, Nimue se tourna vers Nuada, et son regard parlait pour elle. Il n’y avait pas d’autre solution, l’un d’entre eux devait se sacrifier pour sauver la vie de l’autre. Avant même que Nuada put ouvrir la bouche, elle lui dit que son sacrifice n’avait pas de sens, qu’elle, plutôt, était proche de la mort, et qu’elle avait déjà puisé dans ses forces vitales pour ses derniers sorts. Même si la mort de Nuada pouvait lui faire gagner du temps, elle serait rapidement aussi vulnérable qu’un bébé Stormrider exposé aux Tempêtes. D’un autre côté, si elle se sacrifiait, Nuada pourrait poursuivre sa mission ou du moins, s’enfuir. Nuada sentit plus qu’un soupçon de tristesse dans sa voix mais il était d’accord, c’était la seule chose qu’ils pouvaient faire. Il voulait rajouter quelques mots, dire quelque chose de poignant et d’héroïque mais avant qu’il en eu le temps, elle dit simplement “cours”, et il le fit, ne tournant le dos que lorsqu’il fut au bout du tunnel.
Regardant derrière lui, il vit que Nimue avait utilisé sa dernière once d’énergie pour recouvrir de glace le tunnel autour d’elle. Tandis que les créatures se figeaient, glissaient et tombaient autour d’elle, elle maudit ceux qui allaient causer sa mort. De ces mots, elle abandonnait toute régénération en échange de la destruction de chacun d’entre eux. Cela choqua Nuada, la malédiction mortuaire fut la plus puissante dont il avait pu être témoin. Elle abandonnait sa vie en échange de puissance pour tuer ces créatures. Elle fut instantanément changée en un être d’énergie pure et glacée. Son aura était maintenant aveuglante. Nuada n’avait jamais ressenti tant de puissance dans sa vie et, pour la seconde fois, il fut effrayé. Il n’avait pourtant rien à craindre; Toute son énergie était dirigée contre les monstres qui l’assaillaient toujours, la regardant comme s’il s’agissait d’une proie facile. Le premier qui vint à la toucher fut immédiatement figé et s’écroulât à ses pieds, se brisa en petits éclats de glace qui s’éparpillèrent et touchèrent chaque créature dans le tunnel, sauvant Nuada. Bientôt le tunnel devint un tableau d’hiver, couvert de stalactites, de créatures figées, avec une femme puissante et courageuse se tenant au milieu de la scène chaotique. Une fois les dernières créatures mortes, Nimue se tourna vers Nuada. Elle lui sourit. Une larme de glace tomba le long de sa joue, et lorsqu’elle toucha le sol Nimue se figea, rejoignant le tableau sinistrement silencieux. Nuada fut submergé de regrets alors qu’il marchait vers la sortie du tunnel.
La porte se refermant derrière lui, Nuada se trouvait debout dans ce qu’il pouvait décrire comme une prairie vide. Ses sens vrillèrent quand il réalisa rapidement qu’il ne s’agissait pas de brins d’herbe dans ce terrain, mais de morceaux de corps s’agitant sans la moindre trace de vent. Il y avait collines et vallées qui étaient aussi composés de parties du corps. L’horreur brute de cet endroit assaillant ses sens, Nuada sentait une étrange présence dans l’air autour de lui. C’était un être vivant, il en était certain, même s’il ne pouvait rien voir ni toucher. Il entendit alors des éclats de rires hystériques. Est-ce que cela provenait de ses propres lèvres, ou de The Depths même ? Il sentit des filaments s’insinuer dans son cerveau, essayant de prendre le contrôle de son esprit. De là où il se trouvait, il vit ce qui ressemblait à une bouche ouverte et couru dans sa direction. Alors qu’il s’élançait, l’herbe faite de cadavres devint vivante, des mains l’attrapèrent, des jambes essayèrent de le renverser et le flux de pensées dans son cerveau lui dit de se coucher et que tout irait bien.
Nuada combattit ces pensées et tira son épée pour tailler son chemin à travers les cauchemars vivants qui l’attaquaient. Couvert de sang noir, d’intestins et de chair il se confronta à un autre obstacle, la colline, qui se trouvait sur son chemin et cette bouche captivante. Il réalisa, alors qu’il glissait de sur l’autre pente, que cette “bouche” était en réalité le sein d’une femme ! Il glissait rapidement à présent et lorsqu’il atteint la bouche en bas, il vit qu’elle était entourée d’un visage, celui de Nimue. Ses nerfs commençaient à lâcher, il se tenait là riant de façon incontrôlée alors que l’herbe commençait à l’attirer vers le sol. Repose-toi, pensait-il, tout ira bien. Juste une petite sieste. Puis, commençant à s’allonger il entendit dans sa tête une voix familière, c’était celle de Nimue qui une fois encore ne dit qu’un mot “cours”. Essayant désespérément de se détacher à la fois de l’ennui et des bras l’attrapant, Nuada se leva lentement puis sauta directement dans la bouche ouverte.
Alors que la bouche se refermait derrière lui, Nuada roula sur ce qui semblait être le doux sol de la forêt de ses terres natales. Se relevant, il vit un feu, dont la lumière éclairait ce qui semblait être une rangée d’arbres entourant une grande forge. En se rapprochant de la forge il se sentit mal à l’aise. Était-ce une autre vision cauchemardesque dans cette mer d’horreurs en constante mutation ? Une fois à proximité de la forge, il réalisa que ce qu’il avait pris pour des arbres étaient en fait d’immenses doigts robustes. Il fit une pause et utilisa sa Vision du Voile une fois de plus. C’était certain, la forge était vivante ! De plus, elle semblait affamée comme si elle s’apprêtait à dévorer quiconque arrivant à portée. Il dégaina son épée et défia The Depths, le priant de lui donner ce qu’il avait de pire. La rage transpirait de chacun de ses pores et alors que la distance entre lui et la forge se réduisait, elle flamboya. Des sarments, des jambes et une combinaison immonde de chaire vivante et morte jaillit de la forge et attaqua Nuada. C’était le combat que cherchait Nuada, non pas celui qu’il voulait, mais celui dont il avait besoin, et il tailla en pièces la créature, la joie déferlant à travers son corps. Il était dans son élément à présent et il ne se souciait guère de ce que pouvait être la créature, il allait l’anéantir.
La bataille faisait rage depuis des heures et Nuada semblait gagner en puissance, sans s’affaiblir, et ce à mesure que le temps passait, à chaque coup d’épée. Il sentait la puissance de The Depths autour de lui, il l’accueillait et puisait en elle pour attaquer la créature. A un moment de la bataille, Nuada remarqua que les doigts se refermaient lentement sur lui comme une plante le ferait. Il eut un autre sourire et se moqua de la créature, dansant de doigt en doigt pour les tailler à la base. Tandis que chaque doigt tombait, il remarqua que ces créatures n’étaient pas faites de chaire animale mais d’une autre substance. Nuada ne s’en soucia pas, tout ce qu’il savait c’était qu’il était en train de tuer des choses et ça le rendait heureux. Alors que le combat titanesque continuait, Nuada put sentir une autre présence dans cet endroit fétide. Il pensa que cette présence l’observait et le jaugeait. “Bien”, songeât-il intérieurement, “Je devrais lui offrir quelque chose qui vaut le coup d’oeil”.
Nuada invoqua alors l’un de ses talents et son attaque gagna soudainement en force, ses mouvements devinrent si fluides qu’il semblait se déplacer plus lentement alors qu’en réalité il allait bien plus vite. Il était à présent le maître d’oeuvre d’une danse de la mort et devint l’incarnation vivante de la grâce, la force et la puissance. La créature-forge semblait ressentir ce changement et essaya d’échapper à Nuada mais il n’y avait nul part où fuir. La bataille fut aussi longue que sa fin fut rapide. Nuada passa à travers ce qu’il restait des défenses de la créature et frappa le haut de l’enclume de son épée. La créature arrêta de combattre suite à ce coup. Tandis que le sang et la cervelle coulaient, Nuada hurla contre elle et contre le monde étrange dans lequel il était entré. Quelques instants après, alors que la créature était toujours étendue, Nuada jura avoir entendu un applaudissement au loin.
Alors qu’il était assit et nettoyait son épée, il ressentit de nouveau une présence autour de lui, mais cette fois elle lui était étrangement familière. Il détecta alors des pas, à peine perceptibles. Quelques instants plus tard, Nuada pouvait distinguer une forme humaine marchant lentement (voir flottant à la surface du sol) vers lui. Il se leva, sortant son épée en position d’attente, lorsqu’il sembla reconnaître un visage familier, celle du marchand. Nuada était stupéfait de cette apparition soudaine et inattendue et sa première pensée fut qu’il s’agissait encore d’une vision pour se jouer de lui.
“Reste où tu es” dit Nuada, se tenant tel un prédateur prêt à tuer, “Regarde ce que j’ai fait de la dernière créature qui a essayé de me tromper”.
“Te tromper, mon ami ? Il n’en est point question. Tu as démontré que tu étais un puissant guerrier” observa mielleusement le marchand, “Sans doute meilleur encore que lorsque je t’ai engagé.”
“Que veux-tu de moi ?” demanda Nuada avec une pointe d’énervement dans ses mots.
“En fait, je ne veux rien de toi” répondit le marchand, “Je souhaite juste que tu prennes ce que ton coeur désire. Un nouveau bras, une épée réparée et autres trésors pouvant t’aider à regagner la place que tu mérites devant ton peuple.”
“Personne n’offre ça sans attendre quelque chose en retour” dit âprement Nuada “Pourquoi le ferais-tu ?”
“Tu m’as déjà donné beaucoup, oh ancien roi” dit le marchand “pour commencer tu m’as diverti et ça n’arrive pas souvent. Deuxièmement tu as trouvé le chemin vers ce lieu et tu t’es occupé de ses pires horreurs. Enfin tu m’as donné l’opportunité d’utiliser quelque chose que je voulais tester depuis longtemps, l’une de ces forges.”
“Je ne vois aucune réelle forge ici !” répondit Nuada, “Cette créature était fausse.”
“Oui mais regarde attentivement ce qu’il reste de la créature” dit le marchand.
Sur ces mots, Nuada se tourna vers la créature et vit que sous les membres se trouvait une forge dorée. Une fois encore utilisant sa Vision du Voile il put voir que c’était bien une réelle forge et pas une autre créature déguisée. Il opina.
“Maintenant c’est mon tour. Si tu veux bien m’aider à nettoyer ce bazar je pourrais commencer mon travail.” dit le marchand.
Acquiesçant, il aida alors le marchand à nettoyer la forge et la zone autour d’elle. Le marchand, utilisant une baguette fine chargée de magie, brûla alors toute la chair morte. Une fois ceci fait, il se mit au travail.
“Repose toi Nuada et soit libre de visiter ces lieux. On ne sait jamais ce que tu pourrais y trouver” dit le marchand alors qu’il déballait des sacs que Nuada n’avait pas remarqué jusqu’ici, “Fait un tour mais soit préparé à combattre et ne t’éloigne pas trop loin”.
Nuada explora donc la zone autour de la forge et étendit ses recherches vers d’autres chemins, s’assurant de toujours marquer sa route d’une façon ou d’une autre. Il gravait parfois ses initiales dans une pierre, de la chair ou autre substance dont il ignorait tout. D’autres fois il laissait un objet au sol pour se souvenir. Une fois, il alluma une torche se trouvant dans un chandelier contre un mur et celle-ci prit vie et l’attaqua ! Les brûlures n’étaient pas sérieuses et il guérit rapidement cependant. Nuada passa quelques jours à errer dans les passages environnant et trouva quelques artefacts intéressant, mais n’avait rien trouvé de particulièrement puissant ou mortel. Sa petite réserve de nourriture s’épuisant, il retourna à la forge et ne trouva pas le marchand, mais il avait laissé quelques objets ainsi qu’une note. Cette note disait simplement : “Pour Nuada.” Cela le fit rire et ne s’y attarda pas plus.
Le premier objet à attirer son attention fut une épée noire obsidienne telle que celle que portait Bres. La note sur celle-ci était “Brandit moi, si tu peux.” Cette arme était plus large que la lame de Bres et elle irradiait d’une aura teintée par endroit, luisant d’une brillance rouge. Nuada voulu porter l’épée mais elle était trop lourde pour son bras gauche. Peu importe avec quelle énergie il essayait, il ne pouvait à peine soulever l’épée de son emplacement sur la forge. En colère et frustré, Nuada essaya encore et encore, et, sa rage grandissant, il se rendit compte qu’il pouvait la lever un peu plus mais pas encore suffisamment pour s’en servir comme une arme. La reposant sur l’enclume dans un *CLANG* résonant, il se tourna alors vers le trésor suivant, un bras doré.
Le bras que l’artisan avait créé était superbe. Incrusté d’un filigrane complexe et élégant, il semblait trop beau pour être vrai. La note accompagnant le bras indiquait : “Touche-moi, si tu l’oses.” Un peu intrigué par ce message, Nuada le toucha en effet et, sans grande surprise, rien ne se passa. Il le toucha à nouveau, le prit dans sa main gauche mais toujours rien. Une fois encore sa colère montait et à mesure qu’elle grandissait le bras répondait mais toujours pas assez pour qu’autre chose ne se produise. Alors qu’il était sur le point d’exploser de frustration, Nuada remis le bras en place et se tourna vers le dernier trésor, une grande boite en bois.
Bien que n’ayant pas d’attrait visuel, la boite dégageait une certaine aura. Une note indiquait :”Mange-moi, si tu es un homme’. D’une main tremblante, Nuada ouvrit la boite et dans celle-ci se trouvait une araignée rouge, faites de velours. Révolté, Nuada claqua le couvercle de la boite, l’attrapa, s’apprêta à la jeter dans le feu et s’arrêta. Ce n’était qu’une araignée après tout. Il avait déjà mangé pire, étant jeune, suite à un pari. Il y avait cependant quelque chose d’étrange à propos de cette araignée et il était dans The Depths. Tout un tas de pensées traversaient son esprit, Nimue, John, son peuple et après un instant de réflexion il déposa la boite sur le sol et s’assit à côté d’elle. Il ouvrit alors la boite, attrapa l’araignée qui se débattait pour le mordre, ferma les yeux et la mangea. Il le regretta instantanément. Elle descendait le long de sa gorge encore vivante, frappant de ses pattes épineuses à mesure qu’elle avançait vers l’estomac.
C’est alors que Nuada senti sa rage monter à nouveau. Il avait été piégé par le marchant, trahis par son propre peuple, et John, et Nimue. Pauvres fous. Personne au monde ne s’était vraiment soucié de lui. Il en avait assez. Tandis que l’araignée continuait de se déplacer dans ton estomac, visiblement encore en vie, il sentit déferler autre chose… la puissance. “Oui” pensât-il, “La puissance est la clé et je peux l’obtenir. Je vais faire fonctionner ce maudit bras, prendre l’épée et tuer Bres et je ferais supplier mon peuple de me faire revenir.” Il toucha une fois de plus le bras et cette fois ci, il lui répondit. Il bondit de sa main et vint se fixer lui-même sur son moignon. Des sarments d’or en sortirent et se verrouillèrent sur son épaule. Il put alors sentir sa chair fusionner avec le bras, pour ne faire qu’un. Il pouvait bouger ses doigts, le bras était comme le sien. Il prit l’épée et pu la soulever facilement. Faisant des tourbillons au-dessus de sa tête, il pouvait ressentir la vie en elle, réclamant encore plus de vie, du sang. Il était excité comme un enfant, l’épée semblait légère comme une plume dans son bras d’or. Quant à l’araignée, il ne la sentait plus. Il réalisa soudainement qu’il savait comment quitter The Depths. Un passage caché le conduirait à un tunnel lui permettant de retourner plus rapidement dans ses terres qu’un voyage à l’extérieur. Il se permit de rire et remercia The Depths alors qu’il courrait vers le passage.
Lorsqu’il quitta The Depths, tout devint silencieux. A l’exception du son d’un marchand qui, caressant tendrement les sarments bourgeonnant de la Forge Dorée et recevant des caresses en retour, commença à rire.
Lorsque Nuada sortit de The Depths, il trouva un monde totalement différent de celui qu’il avait quitté. De fait, le temps n’avait pas le même rythme dans cet endroit étrange. Par exemple, à sa sortie du premier passage secret, il découvrit que ce qu’il avait vu comme un petit campement de Tuatha Dé Danann était maintenant devenu une ville. Plus important encore, beaucoup de personnes n’avaient pas idées de qui il était, sinon une sorte de légende. Nuada était relativement perplexe, et même sans voix lorsqu’il demanda ce qui s’était passé durant les dernières années. Apparemment, il avait disparu un peu plus d’une centaine d’années, mais quand il se regardait dans un miroir, il n’y voyait aucune marque du temps passé. Il était vraiment en colère face à cette nouvelle, mais il enragea alors qu’un badaud lui conta l’histoire de “Bres le Béni”, et sa manière de diriger le royaume. Il fallut tout ce qu’il restait de sa maigre patience pour lui éviter de trancher la tête du pauvre homme, lui ayant simplement donné la nouvelle. Au lieu de ça, Nuada l’empoigna par la gorge et serra jusqu’à quasiment le tuer, avant de se rendre compte qu’il ne faisait que conter la vérité, du moins tout aussi bien qu’il pouvait la comprendre. S’éloignant violemment, tel un prédateur ayant loupé sa proie, Nuada jura une nouvelle fois qu’il tuerait Bres. Une fois cela fait, il retournerait dans The Depths et utiliserait ses pouvoirs pour guider son peuple vers un destin encore plus brillant, parmi les plus grand des Royaumes, et, bien entendu, gagner au passage un peu de gloire personnelle. Après tout, qui sait? Grâce aux pouvoirs de The Depths, tout lui était possible!
Durant la décennie suivante, il voyagea dans les terres des Tuatha Dé Danann, contemplât le mécontentement de son peuple. A dire vrai, bien que tout paraissait agréable en surface, tout était semblable à un chaudron prêt à exploser, et Nuada n’avait aucun scrupule à augmenter la température de quelques degrés. Il y avait beaucoup de discussions concernant les problèmes entre les trois Royaumes de ce monde. L’unité construite sur de nombreuses générations commençait à montrer quelques signes de faiblesse. Personne ne connaissait vraiment la cause de ce déséquilibre, mais aussi bien que Nuada pouvait le comprendre, cela avait commencé lorsqu’il était entré avec ses compagnons dans The Depths. Mettant de côté ses pensées, il monta petit à petit une petite armée faite des rebuts de la société Tuatha Dé Danann. Rassemblés parmi toutes les races de son Royaume, il les entraîna sans merci, forgeant un bataillon aussi puissant que son épée d’obsidienne.
La rumeur du retour de Nuada circula rapidement, accompagnée de nombreuses histoires, souvent exagérées, sur son armée et les *trésors* qu’il avait découvert dans The Depths. De fait, durant sa période dans les tréfonds de cet endroit, il avait gagné une réputation effroyable. Peu de ceux qui y étaient entrés possédaient encore assez de santé mentale pour pouvoir parler de leurs mésaventures et survie. Cependant, ce dont on parlait plus encore que son périple dans The Depths, c’était son épée, celle qu’il portait durant ses combats. De nombreuses fables circulaient sur cette épée, qu’elle avalait l’âme des hommes, tel l’on suce la moelle des os, qu’elle était intelligente, comment elle était la maîtresse de l’esprit de Nuada, toutes jaillissant telles fleurs au printemps. Nuada était non seulement ravi par ces rumeurs, mais il les avivait, mettant en scène quelques événements pour la foule lors de ses voyages. S’il devait faire un peu le spectacle pour gagner un peu de support, il le faisait. Tout ce qui comptait pour lui, c’était d’atteindre ses buts. Seuls quelques compagnons de confiance, si l’on pouvait les appeler ainsi, connaissaient la vérité, et, alors que Nuada et son armée approchaient de Tir na nOg, le paysage semblait sentir l’arrivée de la prochaine tempête, s’apaisant, calme et plein de silence. C’était comme si tous les êtres vivants sur son chemin avait simplement décidé de partir ailleurs, alors qu’il continuait sa marche implacable vers la capitale des Tuatha Dé Danann.
Les mois suivants, la frustration de Nuada grandissait sans cesse, alors que le siège ne semblait pas voir d’effet sur la ville et ses habitants. La capitale des Tuatha Dé Danann avait été construite pour résister facilement à un siège. Durant des décennies, les mages de la ville lui avaient conféré de nouveaux et puissants enchantements, renforçant un peu plus ses défenses. Nuada savait que seuls le temps et la patience l’aideraient à atteindre son objectif, et même si cela devait prendre des années, il était prêt à faire face et attendre le temps qu’il faudrait. Alors que les rangs de son armée grossissaient petit à petit, les citoyens de la ville semblaient continuer leurs petites vies comme si de rien n’était. Le Festival de la Cour d’Hiver était encore à l’ordre du jour, et les sons des festivités et des réjouissances résonnaient dans tous les murs de la ville. Même si aucun sort de vision et de divination ne pouvait voir ce qui se passait à l’intérieur, Nuada savait que son siège échouait. Il commença à penser à la défaite, mais un simple regard porté vers son bras ou son épée suffisait à raviver sa haine contre Bres et même contre son propre peuple. Comment pouvaient-ils le traiter ainsi, pensa-t-il. Il était leur premier roi! Il avait combattu lors de nombreuses batailles, tué un nombre incalculable d’abominations, afin de les protéger. Et maintenant, ils avaient fait serment d’allégeance à un être qui n’était digne que de la mort. Une fois sa victoire totale atteinte, il rassemblerait la Cour afin de découvrir qui l’avait trahi afin de tous les faire payer, peu importe jusqu’où il aurait à remonter, même sa famille s’il le fallait. Et alors que l’hiver se faisait plus rude encore sur la ville et l’armée de Nuada, il n’y avait aucun signe, des deux côtés, d’une quelconque reddition.
Quelques mois plus tard, alors que la neige commençait à fondre, Nuada était toujours face aux portes de la ville, assez loin pour ne pas les franchir, mais assez proche pour ne pas les laisser intactes. Avec l’arrivée du printemps, sa haine se développa encore plus, tels les bourgeons aux arbres, et il déversa cette colère sur ses proches. Alors que le moral de son armée était en chute, un premier événement vint rompre l’impasse dans laquelle ils se trouvaient; on avait capturé un citoyen de la ville, une soigneuse Hamadryade. Accompagnée à la tente de Nuada, celui-ci la reconnu au premier coup d’oeil – c’était elle qui l’avait soigné de nombreuses années plus tôt. Pour la première fois, en plus d’un siècle (du moins dans le monde réel), Nuada sentit une émotion douce et agréable, un souvenir de ce qu’elle avait fait pour lui. Il s’approcha d’elle; bras ouverts comme pour l’embrasser et étreindre un être cher depuis longtemps perdu, mais elle le repoussa dans un geste d’horreur. Il vit comment son antenne s’agitait en signe d’avertissement, et sa queue prenant une position agressive.
“Ne vous approchez pas de moi. Vous n’êtes pas Nuada, vous êtes une abomination !” dit l’Hamadryade.
Il fut pétrifié par ces mots, son esprit n’étant pas capable de percevoir en lui de changements, hormis son bras doré. Il lui répondit en s’énervant, lui disant qu’il était bien Nuada, et que seul son bras avait changé. Peut-être un peu plus sage, mais pas si différent que le Tuathé Dé Danann qu’il était avant la trahison de Bres.
“Vous ne le voyez vraiment pas?” dit-elle, secouant sa tête si violemment que Nuada crût qu’elle allait se blesser.
“Voir quoi?”, dit-il, “Je ne vois rien d’autre que le réel roi de ces terres et de ses peuples. C’est vous qui voyez des choses étranges.”
“Votre bras. Il est tel une araignée, et votre épée irradie une lueur si maléfique que l’on a pu la voir un jour avant votre arrivée ici.”
“Que vous est-il donc arrivé pendant mon absence? Mon bras est fait d’un métal pur, et il me sert bien. Et mon épée n’est pas maléfique, ce n’est qu’un outil. Un outil que je vais utiliser afin de reprendre ma ville et la gouverner comme il se doit”, dit Nuada.
“Vous gouvernerez cette ville?” dit l’Hamadryad, “Mais il ne reste rien de la ville à gouverner”.
“Vous êtes vraiment folle,” répondit-il, avec plus d’une touche de pitié et dédain dans ses paroles, “Je fais face à la grande capitale Tir na nOg, alors que son peuple me résiste bêtement, et dont le roi n’est qu’un lâche qui se cache tel un rat qu’il est.”
L’hamadryade fut surprise par ces mots, secouant la tête une fois de plus.
“S’il vous plaît, mon seigneur et roi,” dit-elle, prenant un nouveau ton plus doux, “Que voyez-vous face à vous?”
“Si c’est un jeu,” dit Nuada, “Je vous préviens, je ne suis pas d’humeur à de telles frivolités.”
“Ecoutez donc cette pauvre soigneuse qui un jour vous a sauvé la vie”, dit-elle,” S’il vous plaît, dites-moi ce que vous voyez.”
Dans un ton résigné, tel celui de parents fatigués par des enfants turbulents, il lui dit, “Je vois les grandes portes de la ville, bâties dans l’or le plus pur et serties des plus beaux joyaux. Je vois des hommes et des femmes arpenter ses créneaux, vêtues de nos plus belles armures et portant nos meilleurs arcs.”
“Je vois”, dit l’Hamadryade, “Et que voyez-vous d’autre?”
“J’entends le rire d’un peuple qui découvre la nouvelle saison. Ce peuple devrait être en train de mourir de faim, et pourtant il célébre comme s’il s’agissait du zénith de la saison des récoltes. J’ai cherché durant des mois les tunnels cachés via lesquels la ville reçoit ses provisions, sans rien trouver. Me direz-vous où ils se trouvent?” répondit-il.
“Je vous promet que je vous répondrai si vous faites une chose pour moi,” dit-elle.
“Demandez,” répondit Nuada rapidement, anxieux de découvrir ces routes cachées, et ainsi couper le ravitaillement de la ville, rendant le siège plus simple et plus rapide.
“Laissez-moi vous toucher tel qu’un jour je l’ai fait,” dit-elle, douce telle une mère s’adressant à son enfant apeuré.
“C’est tout? Bien sûr que vous pouvez me toucher. Mais sachez que si vous essayer de me jouer un tour, mon toucher sur votre gorge sera la dernière chose que vous sentirez,” dit Nuada, souriant d’un air un brin maléfique.
“Bien entendu, mon seigneur,” répondit-elle sarcastiquement, s’approchant lentement vers lui.
Lorsque l’Hamadryad atteignit Nuada, elle plaça sa main droite sur sa tête, et non pas son bras comme il s’y attendait. Il pensât tout d’abord qu’il s’agissait d’un tour, mais il se souvint qu’elle lui avait fait la même chose lors de leur première rencontre, des décennies auparavant. Il se détendit alors qu’elle commençait à chantonner dans la langue des soigneurs. le Pouvoir répondit de suite à ses incantations et commença à circuler en elle. Sa peau se mit à briller au rythme de son sort. Les yeux de Nuada se fermèrent, alors qu’un globe de lumière pure lui entourait la tête. Alors que celui-ci faisait le tour de Nuada, il cria et, par reflexe à la douleur, projeta la pauvre soigneuse à l’autre bout de la tente. Il se prit la tête, comme poignardé par des dizaines de dagues, essayant de bien que mal de contenir ses cris. Ses hommes aussi commencèrent à souffrir des mêmes maux, alors que la soigneuse continuait son incantation. Les paroles invoquaient de puissantes forces, sortant du sol et se propageant rapidement sur toute l’armée de Nuada. Les cris atteignirent leur paroxysme, dans une cacophonie de douleurs et de souffrances, que personne n’avait vu dans cette région depuis bien des temps. Heureusement, aussi rapidement et violemment qu’ils étaient arrivés, les douleurs et les cris prirent fin. Se remettant des effets, Nuada se rua vers la soigneuse, le visage déformé par son seul désir, tuer. La soigneuse le savait bien, et elle plaça sa main droite face à lui, tout en s’agenouillant.
“Coupez mon bras si je vous ai offensé Nuada, mais avant tout, regardez votre bras s’il vous plait,” dit-elle.
Sans réfléchir, Nuada jeta un oeil sur son bras, et ce qu’il vit l’horrifia. Ce n’était pas un joli bras doré, mais plutôt une sorte de patte d’araignée. Pire encore, son épée noire, sa grande fierté, n’était qu’un amas de lames, d’os et des pics. Refusant de voir la réalité en face, il leva son épée pour la frapper.
“Que m’avez-vous fait?,” dit-il.
“Rien de plus que de vous libérer du sort dont vous étiez victime mon seigneur,” dit-elle sans crainte, “Si vous ne me croyez pas, sortez et montrez le à vos hommes, comme si la réaction de ceux ici présent ne suffisait pas à vous démontrer que vous vous voilez la face.”
Nuada regarda alors autour de lui dans la tente, et il vit qu’elle avait raison. Ses hommes le regardaient comme pour la première fois, terrorisés.
“C’est impossible. Cela ne peut être ainsi,” dit-il.
“Ça l’est, même si j’aimerais aussi le contraire,” répondit-elle tristement.
Nuada courut hors de la tente, et tout le monde réagit tel que les hommes dans la tente. Il s’élança à travers le camp, cherchant une personne capable de le percevoir tel qu’il était vraiment, et non pas cette vision déformée par un quelconque sort que la soigneuse lui aurait jeté. Oui, pensa-t-il, c’était de sa faute. Ce devait être un mauvais tour. Il était sur le point de retourner dans la tente pour la tuer, et ainsi briser ce soi-disant enchantement, lorsqu’il vit qu’il se trouvait face aux portes de la ville. Aussi horrifiant que ce qu’il avait vu jusqu’à maintenant, il fut pétrifié face à ce qu’il avait devant lui.
Les portes de la ville n’étaient pas dorées, dépouillées du moindre signe de richesse. Elles n’étaient pas non plus fermées, mais ouvertes à la vue de tout le monde. Il avait pris de siège une ville aux portes ouvertes? Il regarda vers les créneaux, et il ne vit pas de bataillons, sinon des squelettes.
“Cela n’est pas possible. Je refuse cette fausse vision,” cria-t-il.
“C’est la réalité Nuada, refusez-la si vous le souhaitez,” lui dit la soigneuse, qui s’était approchée silencieusement de lui.
“Que suis-je en train de regarder?” Implora-t-il.
“La vérité, rien de plus,” dit-elle.
“Que s’est-il passé ici? A moi, à notre monde?” dit-il.
“Vous êtes sous l’emprise d’un sort terrible Nuada. Un de ces pouvoirs que je ne suis capable de supprimer totalement, et que je ne pourrais contenir que peu de temps. Pour notre ville, cela fait des décennies qu’elle a été désertée,” dit-elle, “Il n’y a plus un seul être vivant de notre peuple ici. Il n’y a qu’un statue d’un dieu cyclope nommé Balor.”
“Je me souviens de cette statue, lors de ma bataille avec Bres,” répondit Nuada.
“Oui, cette statue était là, mais ce n’était pas une créature vivante, ou du moins, nous ne le savions pas encore. Il s’agit maintenant d’un être maléfique qui draine l’énergie vitale de nos terres et notre peuple. Son influence s’est étendue sur tout le pays, la corruption avançant de ville en ville par la sol même,” lui expliqua la soigneuse.
“Et Bres?”
“Il vola tous les trésors de la ville, et à l’aide d’un groupe de ses hommes, partit de la ville, il y a des dizaines d’années. Il a laissé notre peuple en guise de paiement à Balor, remboursé bien plus que généreusement pour l’avoir aidé à vous renverser…”
“Je me vengerai moi-même de Balor, puis je trouverai Bres et le tuerai, et reprendrai tous nos trésors,” dit Nuada, prit de toute sa colère.
“Même si j’aimerais que tout cela soit vrai, je ne peux vous mentir. Vous n’êtes plus le roi que vous étiez.”
“Bien sûr que non! Je me sens bien mieux que jamais. Ce bras peut paraître un cauchemar mais il se bat à merveille, tout comme mon épée.”
“Tout ceci n’est qu’illusion mon seigneur. Je peux voir les dégâts que ce bras et cette arme vous ont causés, et ils sont considérables. Vous êtes proche de votre fin, ce bras et cette arme vous consumant certainement.”
“Vous mentez!” dit Nuada, mais avec moins de conviction cette fois.
La soigneuse remua la tête tristement, et s’agenouilla de nouveau devant lui. Elle prit sa propre arme et la tendit vers Nuada.
“Si vous pensez réellement cela, alors tuez-moi maintenant, mais, par pitié, utilisez mon arme et non pas la vôtre. Je ne veux pas vous faire souffrir davantage pour aujourd’hui,” dit-elle.
Nuada leva son arme, comme sur le point de la frapper, mais s’arrêta à mi-chemin voyant le regard profond dans ses yeux. Elle était pleine de pitié, non pas pour elle, mais pour lui. Il y vit ce même visage qu’elle avait eu des jours durant, et ces mains qui l’avaient ramené à la vie. Aussi bien qu’il souhaitait croire toutes ces choses qu’il avait vu jusqu’à maintenant, il savait dans le fond que quelque chose n’allait pas, qu’il y avait un problème avec le marché qu’il avait conclu. Il ne voulait pas croire la vérité; le mensonge lui était bien plus plaisant et facile à accepter. Comme il le fit dans The Depths, il releva une fois de plus sa vision du Voile, et alors que le pouvoir se concentrait autour de lui, il laissa tomber sa tête tristement.
“Non, je ne peux pas, je sais que vous raison. A mon sujet… A propos de cette arme maudite…. J’ai encore échoué.”
“Non Nuada, vous n’avez pas encore échoué. Il y a peut-être encore de l’espoir pour vous et votre peuple.”
Marchant seul à travers la capitale désertée des Tuatha Dé Danann, Nuada senti sa rage le dévorer de l’intérieur. Il avait ordonné à ses troupes de rester en dehors de l’enceinte de la ville annonçant qu’il tuerait quiconque tentant de dépouiller ce qu’il restait de la capitale. Voir la désolation qui régnait, pour laquelle il avait sa part de responsabilité, était trop difficile à supporter. La ville n’était pas simplement vide, elle était dénuée du moindre signe de vie. La vermine omniprésente capable de répandre la peste depuis des siècles n’était pas présente, ni même leurs homologues insectes. Les fameuses Tours de Garde se tenait silencieuses et vides, car même ses gardiens les avaient abandonnées, un crime passible d’exile ou de mort d’après le code des Tuatha Dé Danann. Bien que les corps ne se décomposent pas dans les rues comme il s’y attendait, le peu qu’il ait pu voir était suffisant pour le rendre proche de la folie. Il sentait, littéralement, son sang bouillir. Cette fois cependant, il sut que c’était l’influence de son bras et de l’épée d’obsidienne qui amplifiait sa rage et l’emplissait d’un désir de vengeance envers Bres et les autres. L’Hamadryade (dont il avait encore oublié de demander le nom) lui expliqua que ces objets ne lui donnaient pas de pensée malsaine, mais qu’ils concentraient la moindre émotion sombre pour la magnifier comme une lentille peut concentrer l’énergie du soleil en un laser. Ils la concentrent, l’affûte au point où la moindre autre émotion est alors bloquée. Maintenant libéré de certains des sorts l’affectant, il pouvait ressentir les intentions diaboliques de tous ses trésors comme un feu glacé le parcourant de l’intérieur. Pas étonnant que l’Hamadryade ait pu voir la noirceur en lui ! Ce devait être évident pour toute personne capable de voir dans l’autre monde ou au-delà du simple plan physique.
En s’approchant de la place principale de la ville, il vit des signes d’avertissement et des graffitis marquant l’artère principale. Ils faisaient référence à Balor, lui-même et Bres. Certains étaient plutôt injurieux et s’approchant plus encore de la place il voyait des signes de plus en plus perturbants indiquant qu’il entrait dans des lieux où de nombreuses batailles s’étaient déroulées. Il y avait des corps calcinés de guerriers, mages, soigneurs et d’archers tombés dans la rue. Ce qui dérangeait était qu’ils semblaient avoir été tous découpés en deux puis brulés. A en juger par la poussière et les déchets environnant, les corps, armures et armes qui se trouvaient là n’avait pas été touchés depuis longtemps, comme si personne n’avait osé les déplacer. Alors que ces simples signes auraient suffi à terrifier n’importe quel être doté de sentiments, pour Nuada ce n’était qu’une dette à ajouter à Bres, Balor et son peuple. A chaque pas dans ces ruines il se jura qu’un jour il lui ferai payer cette dette, peu importe ce que ça lui coûterai. Nuada tourna à gauche dans une rue portant le nom de l’un des premiers utilisateurs de la magie du feu, il vit que quelqu’un avait construit une barricade avec tout ce qui lui tombait sous la main, incluant les corps calcinés des soldats Tuatha Dé Danann. Il s’arrêta soudain et distingua une forme familière, celle de la statue de Balor. Cependant, contrairement aux autres fois où il avait vu la statue, elle avait grandie, sa tête surplombant les bâtiments alentour, son oeil unique fermement clos. Sa peau de pierre était lisse et grise et elle ressemblait à une créature couverte d’une armure ajustée en pierre dont les jointures seraient à peine visibles. Nuada se tenait longuement face à la barricade, considérant à la fois le changement dans la ville et sur Balor, c’est alors qu’il senti une main familière sur ses épaules.
“Je savais que je vous trouverais ici” dit l’Hamadryade, “c’est une chose affreuse qui s’est déroulée en ces lieux, Nuada.”
“Oui. Tout ceci est de ma faute, n’est-ce pas ?” dit Nuada, “J’étais tellement sûre de moi à l’époque. J’ai foncé dans la bataille sans réfléchir, comme un jeune chien fou pas comme un chef. Lorsque j’ai perdu face à Bres, j’ai été aussi rapide à abandonner mon peuple.”
“Si vous avez besoin de quelqu’un pour soigner votre corps, ça je peux le faire” dit l’Hamadryade, “Votre culpabilité est un fardeau que vous devrez guérir vous-même. Ce que je peux vous dire, c’est que parmi les âmes honnêtes les faits sont rarement aussi mauvais ou aussi bons qu’ils ne l’imaginent.”
“C’est réconfortant,” dit Nuada.
“Ceci dit, dans votre cas, votre arrogance a coûté très cher aux vôtres” dit-elle, “Mais il n’est pas trop tard pour vous et votre peuple, il est possible de reconstruire à partir des débris.”
“Je comprends. Que dois-je faire à présent ? Je suis perdu…”
“La solution est en vous Nuada, c’est à vous de décider ce qui est le mieux pour servir votre peuple. J’ai parcouru ces terres pendant bien trop d’années pour encourager un apitoiement sur soi-même, même pour ceux frappés de plein fouet par cette tragédie. Ce monde est autant assiégé que notre royaume. Ceux qui sont assez fort pour aider doivent le faire ou nous périrons tous.”
“Je vois. Ces corps sont étrangement marqués par les combats qui se sont déroulés en ces lieux. Commençons par ce qu’il s’est passé ici pendant mon absence.”
“Vous voyez devant vous le travail de l’horreur à un oeil qu’est Balor. Quand votre peuple appris à propos de la trahison de Bres, ils prirent les armes et assiégèrent cette tour, ne s’attendant pas à ce qu’il allait leur arriver. Lorsqu’ils s’approchèrent de la statue, son oeil s’ouvrit et un rayon de lumière noire en sorti. Ce rayon traversa la foule, les coupants en deux, comme un boucher découperait une tranche de viande d’une carcasse. Puis lorsque leurs corps touchèrent le sol, ils prirent feu et se consumèrent.”
“Comment est-ce possible ? Nos mages peuvent invoquer de puissants sorts mais un rayon comme celui-ci, c’est au-delà de leur capacité, du moins quand j’ai quitté nos terres.”
“La magie a beaucoup progressée en votre absence mais même, nos érudits ont étudiés les corps et n’ont pas été capable de donner une explication à une telle puissance. Durant les années suivantes plusieurs assauts furent menés contre Balor mais aucun n’a réussi. La mort préleva alors un lourd tribut pour notre peuple Nuada et nous n’avons appris qu’une seule chose. Si Balor est approché par un guerrier seul, son oeil s’ouvrira mais aucun rayon n’en sortira.”
“Il nous laissera marcher jusqu’à lui ? “ dit Nuada plutot intrigué non seulement par la puissance de Balor mais aussi par son étrange comportement.
“Tant qu’un être ne représente pas une menace envers lui, Balor se contente de regarder. On dirait qu’il nous étudie en même tant que nous l’étudions.”
“Quelqu’un a t-il essayé de lui parler ?”
“Oui mais il ne répond d’aucune sorte. Il ne fait que regarder et, lorsque la ville était encore habitée, il drainait lentement la vie des créatures restantes dans celle-ci. Ce furent des jours très sombres dans la ville mais lorsque nous avons réalisé ce qu’il se passait vraiment, les rares survivants s’enfuirent. Maintenant que tout ceux doté d’une once de sagesse sont parti, les sarments absorbant l’énergie vitale se sont rétractés.”
“Je dois voir ça en personne” dit Nuada avec ce ton légèrement bravache qui le caractérisait jadis.
“J’espérais que bous diriez ça. Soyez averti cependant, que la moindre menace de votre part le réveillera.”
“Je comprends.”
Nuada dégraffa son armure et plaça l’épée d’obsidienne sur le haut de la pile mais il réalisa que l’abandonner lui était difficile. Vêtu simplement de ses sous-vêtements, le roi originel des Tuatha Dé Danann se sentait vraiment nu alors qu’il escaladait la barricade et progressait lentement vers le lieu où se trouvait Balor. Comme s’il traversait une ligne invisible, l’énergie dans la zone commença à affluer à travers Balor comme aspirée par un tourbillon de granit. Nuada continuait de marcher tandis que Balor commençait à bouger et lentement, inexorablement, l’oeil s’ouvrit et concentra son attention sur Nuada. Pendant un bref instant, le bras droit de Nuada le picota et il senti une connexion avec la statue, mais cette sensation disparue rapidement alors que Nuada continuait son approche. Combattant les premières montées de peur qu’il ressentait depuis sa sortie de The Depths, il se tint face à la statue et la fixa aussi certainement que Balor le fixait en retour. Concentrant tous ses sens, il sut que Balor était plus qu’une simple statue mais peu importe avec quelle force il essayait, il n’arrivait pas à entrer en contact avec l’intelligence à l’intérieur. Il essaya alors de communiquer verbalement avec elle, parlant toutes les langues qu’il connaissait, aussi bien passée que présente mais toujours aucune réponse de Balor.
Debout devant la statue, Nuada se demandait s’il devait mettre fin à cette comédie et attaquer. Il savait que cela serait inutile, mais au moins il mettrait rapidement fin à ses souffrances. Dénué de protection ou d’objet de puissance, Nuada ne serait pas un grand défi pour la puissance brut de Balor. Il mourrait en héros et l’histoire de sa bravoure unirait son peuple et qu’ils seraient victorieux. Oui, c’est ce qu’il doit faire, mourir. Nuada commençait à lever son bras en préparation d’une attaque, c’est alors qu’une pensée traversa son esprit, à mi-chemin entre la colère et le désespoir. Non, c’était une issue de couard. En vérité, la mort serait rapide mais ce qui comptait à présent n’était pas la rapidité de la mort mais son véritable sens. Mourir ici ne serait pas différent de lorsqu’il avait abandonné son peuple, sauf que cette fois ce serait permanent. Celle fois il ne se laissera pas aller à ces émotions. Il ne sera peut-être pas capable de battre Balor aujourd’hui mais il jura que peu importe le prix à payer, il le payerait pour le bien de son peuple. Son esprit était fermement fixé sur un nouvel objectif, Nuada fit demi-tour vers l’Hamadryad (Il faudrait qu’il lui demande son nom, il le doit !). En traversant de nouveau la ligne invisible, l’oeil de Balor se referma mais cette fois il fixa Nuada un peu plus longtemps que lors de l’aller.
“Je vois que vous êtes toujours en vie” dit l’Hamadryade, un léger sourire se dessinant au coin des lèvres.
“Oui… mais j’aurai pu y rester” dit faiblement Nuada
“Je sais. Vos pensées me sont aussi clair qu’à l’Oeil de Balor” dit-elle, les sourcils de Nuada se levant en réponse, “j’ai vu le pire et le meilleur de vous et je n’ai pas besoin de lire dans votre esprit pour savoir ce que vous pensez. Être soigneur c’est entre autres savoir lire les symptômes des gens, ce n’est pas simplement magique, comme vous le pensez. Quand vous m’avez laissé vous étiez un homme dont la foi était brisée. Votre vie était vide de sens et d’objectif. Quand vous êtes revenu, votre pas était décidé et vos yeux brillaient à nouveau avec un but véritable. Donc, à moins qu’un nouveau sort ne vous affecte, je ne peux que supposer que vous avez eu une meilleure compréhension de vous-même là-bas. Ai-je raison ?”
“Oui c’est exact. Je sais ce que je dois faire maintenant” dit Nuada.
“Et qu’est-ce ?”
“Je dois me débarrasser de ce bras maudit, de l’épée et des autres trésors imprégnés de The Depths puis je dois affronter et battre Bres et regagner nos trésors,” dit Nuada aussi confiant que s’il énonçait une simple liste de tâches ménagères devant être réalisées.
“C’est tout ?” dit l’Hamadryade.
“Tout pour l’instant” dit Nuada.
“Excellent. Je peux vous aider à faire ça. Retournez vers ce qu’il reste de votre armée et attendez moi, j’ai quelles taches à effectuer et je vous rejoins” dit-elle.
“Je ferais ce que vous dites” dit Nuada enfilant son armure et bien qu’il déteste le faire, il prit son épée.
L’Hamadryad s’éloignant dans les rues de la ville Nuada réalisa une fois de plus qu’il avait oublié de lui demander son nom. Nuada patientait calmement à la sortie de la capitale. Une grande partie de son armée s’était déjà éparpillée dans la campagne en apprenant qu’ils ne seraient pas autoriser à dépouiller la ville des richesses qu’il pourrait rester, mais quelques soldats loyaux aux Tuatha Dé Danann restèrent avec Nuada. Pendant ce temps Nuada se préparait pour les épreuves à venir car elles ne seraient pas faciles à accomplir même s’il avait recouvert ses esprits. Il refusait d’utiliser l’épée d’obsidienne à moins que ce ne fût nécessaire et à chaque fois il se sentait sale. Une année environ passa, une figure familière arriva en ville accompagnée d’un jeune artisan. Cherchant le camp de Nuada, l’Hamadryade descendit de son Phouka, l’artisan la suivant de près.
“Salutations Nuada, c’est bon de vous revoir,” dit l’Hamadryade, tendant ses mains amicalement et non pour soigner. Nuada saisit chaleureusement ses mains, comme s’il retrouvait une amie de longue date.
“Ravi aussi de vous revoir, je me demandais quand vous alliez revenir”dit Nuada.
“Quand ? pas si ? Vous n’avez jamais douté de mon retour ?”dit l’Hamadryade avec amusement.
“Non, pas un instant. Comment auriez-vous pu résister à l’envie de me rafistoler à nouveau ?” dit Nuada, l’Hamadryade riant en réponse, “et je vois que vous amenez quelqu’un pour nous rejoindre. Qui êtes-vous jeune homme ?”
Lorsqu’il s’approcha, il vit que l’artisan était un Dvergr.
“Salutations Nuada. Mon véritable nom est trop long à prononcer pour vous mais je suis simplement connu comme Miach, fils de Dian le Forgeron. Je suppose aussi que je suis plus vieux que vous,” dit le Dvergr “J’ai entendu dire que vous avez parcouru The Depths et que vous étiez revenu grandement changé et portant de puissant artefacts.”
“Tout ceci est exact. Mon bras est celui d’une araignée, mon épée est forgée d’un étrange métal et voici quelques trésor que je n’ai pas osé toucher,” dit Nuada.
“Bien, je pourrais retirer votre bras facilement, mais je vais laisser cette tâche à quelqu’un qui vous fera moins souffrir. Je veux étudier votre épée ainsi que les autres trésors,” dit Miach “donnez-moi l’épée et les trésors et indiquez moi la guilde d’artisans la plus proche dans cette ville découverte et je commencerai mon travail. Lorsque j’en saurai plus sur leur vraie nature je parlerai à nouveau.”
Nuada ordonna que les trésors soient apportés à Miach mais lorsqu’il du tendre l’épée à l’artisan, il eut du mal à s’en séparer.
“Vous devez me donner l’épée si vous voulez que je l’étudie Nuada. Ce sera bien plus difficile si je dois taper dessus de mon marteau alors que vous la tenez encore”. dit Miach, “Mais si vous insistez, je serais ravi d’essayer, ça pourrait être drôle !”.
Essayant car il le devait Nuada réalisa qu’il ne pouvait pas laisser partir l’épée et que la rage qu’il gardait en lui depuis des années remontait à la surface.
“Nuada. Pense à ce que tu me disais à notre dernière rencontre” dit calmement l’Hamadryade.
Nuada se remémora ses mots, la colère le quitta lentement et il s’aperçut qu’il pouvait laisser l’épée partir, bien qu’à contre coeur.
“Bien. Cette situation était quelque peu compliqué n’est-ce pas?” dit Miach, riant alors qu’il prenait l’épée à Nuada, “Maintenant commence la partie amusante, du moins pour moi. Vous avez ma sympathie Nuada. Ce que vous allez devoir affronter pourrait vous faire souhaiter ne pas avoir abandonné l’épée.”
Ces mots firent écho au fond de l’âme de Nuada et il put sentir son bras frémir comme s’il répondait. Il regardait plaintivement la soigneuse et des mots commencèrent à se dessiner sur ses lèvres tremblantes.
“Avant que vous ne disiez quoi que ce soit Nuada, souvenez-vous ce que je pense de l’apitoiement sur soi-même,” dit-elle à Nuada qui commanda à ses lèvres d’arrêter de bouger, “Ça c’est un bon roi. Retirons à présent ce bras maudit que vous avez. Votre tente fera l’affaire.”
Nuada et la soigneuse se dirigèrent vers sa tente. En ouvrant le rabat pour la laisser entrer, il senti sa main sur son épaule. Bien qu’aucun mot ne fut échangé, ils savaient tous les deux ce que signifiait ce geste et Nuada fut rassuré.
Personne en dehors de Nuada et de la soigneuse ne sut ce qu’il se produisit cette nuit-là en dehors du fait que l’aube mettait trop de temps à venir et que le calme de la ville n’était perturbé que par les cris de Nuada et étonnamment, d’une bataille. Les premières lueurs de l’aube pointant à l’horizon, la soigneuse sortie couverte de sang. Dans ses mains elle tenait le fantôme du bras de Nuada qui bougeait encore comme s’il était vivant. Elle marcha jusqu’au feu principal du campement, elle le jeta rageusement dans les flammes et lança rapidement un sort ou une prière tandis que le bras sentait la chaleur des flammes. Au bout de quelques minutes à brûler et une ou deux tentatives de fuite, le bras stoppa tout mouvement et fut finalement réduit en cendres. Soupirant, la soigneuse retourna à la tente pour continuer le traitement de Nuada.
il fallut des mois avant que Nuada ne soit suffisamment fort pour quitter sa tente de lui-même mais quand il le fit il semblait changé comme renforcé par l’épreuve de souffrance qu’il avait traversé. Même avec un bras en moins il était comme l’ancien Nuada mais sans la jeunesse et l’arrogance. Pour que vous imaginiez, le Nuada qui se tenait devant son peuple avait vieillit mais n’était pas frêle ou faible. Il était celui dont les yeux reflètent sa détermination aussi certainement que son bras armé avait reflété son amour pour la bataille. Un beau matin de printemps alors que Nuada et la soigneuse mangeaient leurs petits déjeuné, Miach accouru vers eux avec excitation.
“Arrêtez de vous goinfrer, j’ai quelque chose à vous montrer. Suivez-moi !” dit-il.
Sans attendre de réponse, l’artisan retourna à sa tente.
“C’est un gars étrange” dit Nuada, ce qui lui valut un regard familier de la part de la soigneuse qui se moqua visiblement de lui, “peu importe.”
Dès qu’il entra dans la tente de Miach, Nuada fut surpris car cela ne ressemblait en rien à ce qu’il imaginait. Il n’y avait pas de pile de chose avec des outils et autres objets échangés ou de la vie. A la place, tout était bien rangé avec simplement quelques indices dévoilant le métier de Miach. Au milieu de la tente sur une grande table de pierre qui sortait littéralement du sol, se trouvaient trois objets, l’épée d’obsidienne noire, sa vieille épée et un bras d’argent. Nuada fut submergé de joie à cette vision, autant que la rage qui l’avait submergée à l’époque, mais cette fois son coeur et son esprit était emplis de bonheur.
“Comment avez-vous… Qu’est ce… Je…” furent les quelques mots que Nuada dit.
“Quelle éloquence quand vous le voulez !” ironisa Miach, “vous avez un don avec les mots !”
“Miach !” dit la soigneuse tentant de ne pas rire.
“Oh, c’est un grand garçon, un Tuatha ! Il peut supporter une blague non ? “ dit Miach
“Oui je peux Maître Dvergr. Ma coupe déborde de bonheur en voyant votre magnifique travail ! Vous êtes vraiment un maître artisan. Un Dvergr sans égal” dit Nuada à Miach qui accepta le compliment comme il le devait. “Un Dvergr impressionnant, un puissant Dvergr. Je l’ai su dès l’instant où vous êtes entré dans notre campement,” continua Nuada.
“ Merci” dit Miach.
“Vos prouesses seront chantées à travers tout le royaume. Je passerai le reste de ma vie à vanter l’excellence de votre travail” continua Nuada, un sourire rusé sur le visage.
“Ceux de la ville aussi chanteront vos louanges. Ils vous apporteront des lauriers et vous serreront chaleureusement la main en échange de vos services!” continua Nuada.
“Umm…” dit Miach.
“Et ce n’est pas tout. Je vais essayer de contacter les Émissaires et leur conter vos prouesses, votre grandeur, votre…”dit Nuada, ne pouvant plus se retenir de rire. C’est alors que la soigneuse compris aussi la blague et sourit aussi.
“Bon…” dit Miach.
“Ils voudront vous emporter dans leur monde pour partager les secrets de vos compétences…”ajouta Nuada.
“Assez !” dit Miach énervé, “Stop ! Pour l’amour de dieu, Stop !”
Sur ce, aussi bien la soigneuse que Nuada perdirent ce qui leur restait de retenue pour éclater de rire. Miach réalisa qu’il était la victime d’un sens de l’humour dont il ne pensait pas Nuada capable, il vira au rouge et certaines pierres de ses bras semblaient briller aussi.
“Bien joué ! Vous m’avez eu !” dit Miach joignant son rire à celui des autres “laissez-moi vous montrer ce qu’elle et moi avons trafiqués ces derniers mois.”
Nuada, content d’avoir eu le dessus sur l’artisan, s’assit sur une chaise de pierre qui avait été placée ici à son intention et elle s’avéra particulièrement inconfortable.
“Premièrement, j’ai reforgé votre épée à partir des pièces qui trainait ici et là” dit Miach comme s’il énonçait quelque chose que n’importe qui aurait pu faire. “Elle est comme avant, pas pire et peut être meilleure. Je sais qu’elle vous servira bien. Prenez là.”
Nuada se leva délicatement mais légèrement chancelant de sa chaise, car il n’avait pas complètement récupéré, puis pris son épée. Elle semblait inadaptée pour sa main gauche, mais il se souvenait de la sensation et c’était agréable. Il opina alors vers Miach en signe d’accord sur le travail bien réalisé.
“Ensuite, je vous ai fabriqué un bras d’argent” continua l’artisan, “contrairement à votre ancien bras, celui-ci n’essayera pas d’empoisonner votre âme. L’argent dans le métal a été traité par de puissants sorts par notre amicale soigneuse et elle assure qu’il s’accordera avec votre corps. Une fois que ça sera fait il se peut qu’il soit différent d’un bras naturel, mais en l’entraînant il sera meilleur.”.
“L’entraîner ?” dit Nuada “Il est encore vivant ?
“Pas vraiment, mais vous allez devoir vous entraîner avec avant de pouvoir l’utiliser en combat” répondit Miach.
“Combien de temps cela prendra-t-il ?” demanda Nuada.
“Quinze ans” dit Miach “Quatorze et demi si tout se passe parfaitement !”
“Quoi ?!” se lamenta Nuada.
“J’vous ai eu !” dit Miach “Ne jamais se confronter à un Dvergr en matière d’humour !”
“Oh” dit Nuada secouant sa tête, honteux “En réalité, combien de temps ?”
“Pas plus de trois mois si vous êtes aussi assidu et faite ce que je vous dis” répondit Miach “Et ça veut dire vous reposer lorsqu’elle, ou moi, vous le disons.”
“C’est d’accord, je ferai ce que vous me demanderez” répondit Nuada.
“Bien. Maintenant passons au vrai challenge. Cette maudite épée noire,” dit Miach blague à part, “c’était véritablement un travail maudit.”
“Comment ça ?”
“Celui qui l’a fabriquée était un artisan légendaire. Fou et diabolique, mais son talent est indéniable. Cette épée a été conçue pour drainer votre âme et l’énergie de vos victimes pour les transférer ailleurs” dit Miach froidement.
“Où ailleurs ?”demanda Nuada.
“Vous ne devinez pas ?”Répondit la soigneuse.
“The Depths !” S’exclama Nuada.
“Exact,”dit Miach “A chaque utilisation de l’épée, tout ce qu’elle récoltait était transféré dans The Depths. C’est pour cela que vous avez vieillit et que vous étiez si faible sur la fin.”
“Je ne me sentais pas faible.” rétorqua Nuada
“Non, c’est ce qui était diabolique. Vous vous seriez sentit fort jusqu’au moment ou votre âme eu été complètement absorbée et alors vous seriez mort. Comme une coquille vide, un corps sans âme à l’intérieur” dit Nuada.
Un frémissement d’horreur traversa Nuada et en réalisant à quel point il était proche de la mort ainsi que le crime que le marchant avait commis à son encontre. Il se demanda aussi ce qu’était devenu la puissance qu’il avait transmis dans The Depths.
“Et maintenant ?” demanda Nuada “Que devrions nous faire de cette arme ?”
“Rien” répondit Miach “Je l’ai rendue inoffensive. Je vais l’étudier plus en avant et essayer de dévoiler d’autres secrets mais elle ne blessera plus personne, c’est tout ce que je peux promettre.”
“C’est suffisant” dit Nuada
“Et maintenant, au travail !”dit Miach, un large sourire sur son visage “nous avons pas mal à faire si vous devez sauver votre peuple.”
“Je ne suis pas un sauveteur” répondit Nuada “Mais je ferai ce qu’il faut pour réparer les dommages que j’ai causé.”
Et ils se mirent au travail. S’assurant que ni Nuada ni Miach ne la regardaient, elle sourit.
Mais dans les profondeurs de The Depths le marchant ne rigolait plus…
Pendant les mois suivants Nuada s’entraîna quotidiennement avec son nouveau bras en argent. Au début, l’entrainement était très dur et Miach ne manqua pas de se moquer de lui à de nombreuses reprises. Mais avec les attentions et support de la soigneuse ainsi que son obstination autre fois légendaire, il fit des progrès significatifs. Quand il fut enfin convaincu que ce bras n’était pas diabolique et n’allait pas simplement tomber, Nuada commença à faire des efforts comme dans sa jeunesse. Il remarquait que ses réflexes, vitesse et puissance n’étaient pas encore au niveau de ce qu’il avait connu autrefois; parce qu’il devait encore dépasser sa peur, même pendant les entraînements. Lorsque Nuada s’entraînait avec d’autres guerriers, ils semblaient se mouvoir et réagir moins vite que lui sur tous les plans. Ses adversaires avaient beau combattre correctement, les mouvements de Nuada coulaient d’un guerrier à l’autre comme suivant le rythme d’une danse rituelle. Nuada semblait encore une fois né pour combattre et pas simplement doué en raison de l’entraînement régulier. Chaque coup, blocage et parade ne semblait pas lui demander d’effort et il utilisait son bras d’argent comme s’il était fait de chair. Trois cycles lunaires plus tard, Miach déclara que Nuada était prêt à rejoindre le monde.
Bien que Nuada souhaitait ardemment The Depths, il savait qu’il avait d’autres priorités. Pendant les années suivantes Nuada, Miach et la soigneuse parcoururent les terres de Tuatha Dé Danann à la recherche des enfants de Danu. Ils étaient à la tête d’une armée qui n’était pas l’une de celles qui conquiert, mais plutôt qui restaure. Lorsqu’ils trouvaient des personnes oppressées, ils restauraient l’équilibre. Lorsque les gens étaient dans le besoin, ils partageaient leurs ressources. Quand ils trouvaient la prospérité, ils prenaient ce dont ils avaient besoin, pas des ressources mais du savoir. Au fur et à mesure du voyage, leur armée grandissait en nombre. Beaucoup de Tuatha Dé Danann rallièrent leur bannière et l’armure d’or que Miach avait mystérieusement trouvé le temps de forger sur la route. Partout ils cherchaient des nouvelles de Bres mais personne n’était capable de dire où il avait pris refuge. Ils suivirent chaque rumeur, indice ou signe et couvrirent de larges bandes du territoire mais c’était comme s’il avait disparu de ces terres. Ils envoyèrent des cavaliers à One True City ainsi que dans les autres capitales du monde mais même comme ça, aucun signe de Bres ou des trésors de son peuple n’a pu être découvert. Bien que Nuada et son armée disparate rétablissait les terres avec succès, Nuada commençait à sentir la frustration monter en raison de la capacité de Bres à rester caché. Un soir d’été particulièrement froid, Nuada s’assit près d’un feu de camp, Miach et la soigneuse à ses côtés.
“Vous semblez particulièrement soucieux Nuada” dit Miach “Un Cait Sith a volé votre langue ?”
Nuada, habitué au sens de l’humour particulièrement pénible de l’artisan, ne répondit pas à la provocation, du moins pas tout de suite. Mais l’image de la rumeur sur la façon dont les Cait Sith traitent leurs traitres lui vint en tête, comme Miach le souhaitait.
“Oui je suis incapable de former une phrase complète ce soir” dit sèchement Nuada.
“Toujours préoccupé car Bres vous tourne en ridicule ?” demanda Miach, “Il ne pourra pas rester caché pour l’éternité.”
“On n’a pas l’éternité” contra Nuada “j’ai l’impression d’être le dindon de la face.”
“Je ne sais pas si vous êtes un dindon” dit Miach “mais par moment vous pourriez faire quelques farces”.
“Quelle insupportable tête de…” s’énerva Nuada, son caractère soupe au lait faisant un bref mais triomphant retour, “…attend. Je suis désolé Miach, vraiment. La capacité de Bres à se cacher est vraiment en train de me faire tourner en bourrique.”
“En train ? Vous tapez du pied depuis quelques mois” dit Miach “Je pense que mes congénères sous terre vous entendent”.
“C’est si mauvais que ça ?” dit Nuada qui cherchait le support de la soigneuse du regard.
“Vous avez été… difficile à vivre les deux saisons qui viennent de passer. Votre voyage a été éprouvant jusqu’ici mais c’est encore un voyage qu’il faut accomplir, peu importe le temps que ça prendra. Miach et moi sommes là pour aider mais c’est à vous de déterminer l’issue” dit la soigneuse sans reproche dans la voix.
“Je sais. Chaque tentative pour le retrouver a été un échec. J’ai envoyé assez d’éclaireur pour retrouver un Luchorpan dans une grande forêt mais je ne peux pas c’est âme maudite” dit Nuada visiblement agité.
S’attendant à une réplique, Nuada fut surpris que ses amis ne disent rien. Il était intrigué. Ceci continua de l’intriguer alors qu’il sortit agacé en direction de sa tente pour passer le reste de la nuit à fulminer.
Avant que la phase de la lune connue comme le Delice de l’Ombre ne se termine, Nuada se réveilla en sursaut. N’enfilant pas même un vêtement, il courut hors de la tente vers celle de la soigneuse qui, à sa grande surprise, semblait l’attendre.
“Quel débutant” dit Nuada “Je sais exactement où se cache Bres.”
Intriguée par la nudité de Nuada, l’Hamadryade leva simplement un sourcil.
“Cette abomination se cache au seul endroit où il peut se cacher” dit Nuada.
“Et cet endroit se trouve…?” Questionna la soigneuse.
“The Depths !” dit triomphalement Nuada.
“Ca aura pris le temps avant que vous ne le réalisiez” dit sèchement la soigneuse.
“Attendez ! Vous le saviez ?” demanda Nuada.
“Oui. Maintenant enfilez un pantalon que personne ne soit content de vous voir aussi… excité. Levez l’armée et allons-y, nous avons déjà perdu assez de temps.”dit-elle.
Confus, heureux, surpris et effectivement, excité, Nuada retourna à sa tente, enfila un pantalon et sonna le cor pour ses troupes. Une fois réunis ils se mirent en marche vers la dernière entrée connue de The Depths.
Le voyage ne devait prendre que quelques semaines mais il se passa une année complète avant que Nuada n’arrive à l’entrée de The Depths car elle avait bougée dans son absence. Il avait libéré la grande majorité de son armée pendant que lui et 11 fidèles recherchaient où pouvait se cacher l’entrée de The Depths. Ce fut un voyage difficile, qui est conté, dans une autre histoire. Cette fois l’entrée n’était pas proche d’un lac mais enchâssée dans une colline verte située dans les terres Arthuriennes. Parfait, pensa Nuada, alors qu’il devait retourner dans The Depths depuis les terres de Nimue. Ses pensées allèrent vers elle, pas désagréablement et il se prit à espérer qu’il ne la retrouvera pas ici ou s’il le faisait, qu’elle soit morte. Toute autre vision aurait été trop dure à supporter.
Debout à nouveau devant le monolithe, Nuada se retourna vers la soigneuse.
“Je suppose que c’est ici que vous m’annoncez que c’est ma destinée et que je dois y aller tout seul. N’est-ce pas ?” demanda Nuada.
“Je peux dire ça si vous le souhaitez mais je me disais qu’il serait mieux d’y aller tous ensemble” dit-elle, “mais si vous voulez tenir le rôle de la légendaire…”
“Chair à canon” interrompu Miach.
“…icône. Nous vous attendrons dehors. Je n’ai pas particulièrement envie d’y retourner,” dit la soigneuse.
“Y retourner ? Vous y êtes déjà allé ?” interrogea Nuada.
“Elle secoua la main et d’expérience, Nuada savait que ce n’était pas quelque chose dont elle souhaitait lui parler, en particulier maintenant. Il y avait bien d’autre sujet dans sa vie donc il ne fallait pas parler.
“Et si on allait à l’intérieur pour trouver Bres ?” dit Nuada.
“Je veux la priorité sur la moindre forge qu’on pourra trouver. Je suis impatient mettre la main sur ces choses délicieuses… euh, je voulais dire ces choses démoniaques.
Dans un soupir collectif, cette douzaine de héros et héroïnes fatigués passa à travers le monolithe en direction de The Depths.
Le monolithe les conduisit à une enrrée différente de The Depths que celle de la dernière fois où Nuada fut ici. Après un bref moment de désorientation, l’équipe se trouva devant une paire de portes brillantes noires gravées de portraits de femmes subissant diverses tortures. Les scènes gravées étaient indiciblement ignobles et même la soigneuse fut surprise de ce qu’elle vit. Tous furent perturbés, révoltés et enragés par les images qu’ils avaient en face d’eux mais aucun autant que Nuada qui réalisa que ces femmes ressemblaient à Nimue. Ce qui rendit la chose encore plus difficile c’est qu’à mesure qu’ils s’approchaient de la porte, les dessins s’animaient comme si chaque femme était vivante et en train de souffrir et agoniser. Personne ne put toucher la porte et lorsque Nuada essaya, lorsqu’il fut assez proche pour la toucher, chaque femme gémit le même mot dans la douleur “Nuada”. En entendant ça le groupe se retourna vers Nuada.
“Que s’est-il passé ici ?” demanda Miach, “qu’est que vous lui avez fait ?”
“Rien ! Nous étions en train de combattre et elle s’est sacrifiée pour me sauver la vie alors qu’elle était proche de la mort,” répondit Nuada énervé, “Elle ne m’a pas laissé le choix. Elle m’a forcé à l’abandonner ici.”
“Forcé ? comment ça ? Le grand et brave Nuada forcé par une femme nue et épuisé magiquement à fuir ? dit Miach.
“Elle n’était pas nue à ce moment-là. Et oui, elle a sacrifié sa vie pour la mienne et je ne cesse de penser à ce sacrifice chaque jour de ma maudite vie. Je voulais faire demi-tour pour elle, mais je n’ai pas pu” dit-il.
“Ne pouvais ou ne voulais pas ?” Demanda
“Je ne pouvais… Non je ne voulais pas. Elle m’a supplié de partir mais j’aurais pu dire non ou j’aurais pu revenir ici, avant aujourd’hui. Non j’aurais dû revenir ici avant aujourd’hui ! Au lieu de lever une armée pour marcher sur la capital j’aurai du raser cet endroit maudit” dit Nuada.
Nuada s’approcha de la porte et cette fois il s’agenouilla devant elle. En réaction, chaque Fausse-Nimue stoppa ses gémissements pour le fixer du regard.
“Pardonne-moi Nimue. J’aurais dû revenir plus tôt. Et si tu ne peux me pardonner, prend ma vie et laisse mes compagnons faire ce qu’ils ont à faire. Je te l’implore” dit-il.
Sur ces mots, les tortillements et lamentations de la porte cessèrent. Nuada se leva et poussa délicatement la porte. Comme la dernière fois, ils se déplacèrent silencieusement sur le sol de pierre.
Une chose était certaine à propos de The Depths, c’est que rien n’était certain à son sujet, pensa Nuada.
Cependant, regardant alentour il nota qu’il y avait des similitudes à sa première visite. Tout autour de lui la vie se mêlait à la mort, un tableau d’horreur à la fois incroyable et effrayant. Les murs, le sol, le plafond étaient rouge sang et ce qui semblait être des morceaux de créatures démembrées et éclatées étaient éparpillés un peu partout. Des têtes sortaient des murs comme une parodie grotesque de trophées que des chasseurs pourraient conserver. Bon nombre de murs semblaient être un puzzle fait de morceaux de corps assemblés pour faire un tout. Un autre détail étrange sur cette pièce était qu’elle semblait se contracter et se dilater sur un rythme régulier. Tout d’abord Nuada pensait qu’il pouvait s’agir de l’estomac d’une quelconque créature géante mais il savait pertinemment que c’était autre chose. En avançant dans la pièce le cycle de respiration (comment l’appeler autrement ?) stoppa soudainement.”
“Je ne pense pas que ce soit un bon signe. Continuez à avancer” dit Nuada.
“Je suis d’accord” dit Miach “Comme le dirait l’un de nos bergers, sortons le troupeau d’ici.”
Les compagnons accélérèrent le rythme au point de courir à travers la chambre, suivant un chemin à peine visible sous le sang et la chair qui le recouvraient. Arrivant au bout de la pièce, la respiration repris et c’est à ce moment que le plafond s’ouvrir pour déverser une vague de sang. Couverts de sang, les compagnons hésitaient entre rire et être dégoûtés avant de s’apercevoir qu’il y avait dans le sang de petites créatures, comme des sangsues mais bien plus larges. Ils retirèrent hâtivement les créatures et réalisèrent qu’elles étaient dotées de dents crochues emportant un morceau de chair avec chaque créature ! Ignorant la douleur et l’horreur, tous les compagnons à l’exception de deux retirèrent ces atrocités. Ceux ne l’ayant pas fait réalisèrent qu’elles avaient d’autres surprises pour eux. Contrairement aux sangsues classiques, celles-ci ne s’intéressaient pas uniquement au sang, elles voulaient pondre. Elles implantaient leurs oeufs dans leurs victimes. Les sangsues rétrécirent injectant leurs larves dans les compagnons malchanceux. Avant qu’ils n’aient le temps de réaliser ce qu’il se passait, les deux furent dévorés de l’intérieur par les larves. En un instant il ne restait plus que des morceaux d’eux contenus dans leurs armures. Maintenant rassasiées, les créatures tombèrent sur le sol, grosses et repues, ne représentant plus la moindre menace pour les compagnons qui s’échappaient de la pièce.
Fuyant cette terrible scène, Nuada réalisa qu’il se tenait encore une fois devant la même forge qu’il avait vu il y a longtemps. Miach était excité et accourra vers elle, empressé de tester ses théories. Avant que Nuada n’eut le temps de l’avertir, Miach était à la base de l’enclume, l’inspectant sous tous les angles. Fort heureusement cette fois aucune créature ne les attendait. Marmonant de plaisir, Miach commença à tester la forge avec ses instruments, à la fois magiques et ordinaires.
“C’est incroyable ! Tellement excitant ! Cette forge a des propriétés que je n’ai jamais vues ailleurs dans le monde ! Je pourrais passer des décennies étudier cette beauté,” dit Miach, donnant une claque au morceau de métal.
“Nous devons avancer,’ dit Nuada, “nous reviendrons après avoir fini ce que nous sommes venu faire.”
“Nuada, je suis un artisan, pas un combattant. Je peux entraîner votre bras, vous servir de partenaire mais dans un combat réel, et bien, je suis aussi utile qu’une Valkyire en colère dans un bordel. Laissez-moi ici avec l’un des guerriers et laissez-moi faire ce que je sais faire.” dit Miach.
“Je suppose que vous avez raison,” dit Nuada.
“Bien. Je demanderai à l’autre Dvergr de rester avec moi. Il a un beau bouclier rouge sur lequel je peux travailler,” dit Miach.
Avant de reprendre son chemin Nuada se retourna pour regarder Miach, espérant que ce n’était pas la dernière fois qu’il voyait l’exaspérant Dvergr.
“Miach,” dit Nuada alors que celui-ci se tournait vers lui “Prenez garde”
“Aww. Quel gentil garçon” dit Miach d’un air moqueur, “Vous aussi.”
La forge et les Dvergrs maintenant derrière, Nuada continuait sur un chemin étroit surplombant ce qu’on pourrait décrire comme une bouche géante entourée de dents à l’allure douteuse. Ne voulant pas imaginer ce qu’il se passerait si quelqu’un venait à tomber dans cette bouche, Nuada accéléra le rythme une fois de plus. A mi distance de la bouche, le chemin s’élargie soudainement et le sol de pierre était couvert d’un tapis dos et violet. Continuant à marcher, ils purent distinguer un énorme trône doré. Une fois approchés du trône ils virent que Bres y siégeait.
A la vue de Bres, Nuada senti une rage profonde et irrésistible monter en lui. Dégainant son épée, il se précipita vers le trône, ignorant les cris d’avertissement de ses compagnons ainsi que sa voix intérieure. Tandis qu’il s’approchait, Nuada fut submergé par les souvenirs des pertes et de la douleur que Bres avait pu lui infliger. Les souvenir de Nimue, John, Tír na nÓg, son bras et de Balor affluèrent dans son cerveau. Il courait et faisait tournoyer sauvagement son épée pour asséner un coup mortel quand il réalisa que Bres n’avait pas réagi à ce qu’il se passait autour de lui. Personne ne pouvait être aussi calme devant la mort, pensa Nuada ! Stoppé devant le trône, Nuada leva son épée, le bras tremblant d’excitation et le plaça sur le cou de Bres prêt à infliger le coup fatal.
“ Pour toutes les morts que tu as causé, ton heure est venue” dit Nuada
Toujours aucune réaction de Bres.
“Dit quelque chose” dit Nuada visiblement frustré, tenant toujours son épée en l’air.
Pas de réaction.
“N’importe quoi”
Toujours rien.
“Nuada, il ne peut pas” dit la soigneuse qui venait de le rejoindre.
“Est-il mort ?” demanda Nuada.
“Non. Il est vivant. Regardez l’index de sa main droite” dit elle.
Tout d’abord, Nuada ne distinguait rien mais après une petite minute, Nuada pu voir le doigt de Bres bouger de façon à peine perceptible.
“Que se passe-t-il ici?” demanda Nuada.
“Je ressens que Bres est ici mais sans l’être” dit la soigneuse “Il est dans son propre endroit en même temps qu’ici. Comme dans une bulle d’existence différente.
“Je ne comprends pas de quoi vous parlez” dit Nuada, confus.
“Je ne suis pas certaine non plus. Je sais simplement que où qu’il soit, il vit quelque chose de tout à fait différent ce qu’il se passe maintenant” dit la soigneuse “Je ne suis absolument certaine de rien.”
“Alors laissez-moi clarifier tout ça” dit une voix trop familière mettant mal à l’aise Nuada.
Se retournant vers le son de la voix, les compagnons virent la figure de celui que Nuada appelait le marchand marcher vers eux depuis un passage caché derrière le trône. A la vue du marchand, le sang de Nuada ne fit qu’un tour, il voulait, non il avait besoin de tuer quelque chose, n’importe quoi.
“Calme-toi Nuada. Je sais que tu dois rêver de me tuer depuis des années et même maintenant tu imagines encore ma mort mais écoute moi. Je peux tout expliquer. Je peux même te montrer où sont tes amis John et Nimue et oui, avant que tu ne le demandes, ils sont en vie et se portent plutôt bien,” dit le marchand.
“Ecoutez ce qu’il a à dire” dit calmement la soigneuse.
“Merci. Premièrement, vous avez raison, Bres est dans une autre époque. Il est venu ici pour demander de l’aide afin de voir son plus grand rêve se réaliser, d’être à jamais assit sur le trône de Tuatha Dé Danann. Et c’est exactement ce qu’il est en train de faire. Tant que le monde sera, Bres restera assit sur ce trône.” Dit le marchand.
“Monstrueux !” dit Nuada.
“Pas du tout. Bres a clairement exprimé son voeu et nous l’avons exhaussé. C’est la même chose que pour toi Nuada. Nous avons simplement réalisé vos souhaits.” Contesta le marchand.
“Je n’ai jamais voulu d’une saleté de bras d’araignée ! Cette chose dégoutant a absorbé ma propre vie !” dit Nuada.
“C’est vrai mais encore une fois, vous ne vous êtes pas non plus soucié pas de la façon d’atteindre l’objectif. J’étais assez fier du travail effectué sur ton bras. C’est triste qu’il ne soit pas encore attaché, tu lui étais utile et par conséquence tu nous étais utile.” dit le marchand.
“Nous ?” Dit la soigneuse.
“Bien sûr. The Depths est un ‘nous’ pas un ‘je’ dis le marchand “Bres est maintenant une partie de nous, tout comme Nuada n’a été pendant un moment. Le puissant que cette épée a drainé de ses victimes a été bien utilisé ici. Nous allons pour le mieux à présent”.
Sans avoir que répondre aux mots du marchand, les compagnons se tinrent simplement là fixant la créature-marchand qui était devant eux.
“Bien, rien à dire. Allons-y, je veux réunir Nuada et ses amis, ils sont juste en bas de ce chemin” dit le marchand qui commençait à marcher vers le passage derrière le trône.
“Je ne le sens pas,” dit Nuada à la soigneuse.
“Miach avait raison, vous avez tendance à pointer des évidences” dit la soigneuse
“Préparez-vous au pire Nuada.”
Alors qu’ils descendaient le long du chemin, ils arrivèrent dans une pièce dont émanait chaleur et froid simultanément. La porte de cette pièce, contrairement à celles vues précédemment, était pleine et sans ornement. En s’approchant simplement de la porte, celle-ci s’ouvrit devant le marchand se levant de bas en haut, silencieusement comme toujours. Tout le monde entra dans la pièce sombre et fut immédiatement saisi par le coté malsain des lieux. La pièce sentait le musc mais aussi quelque chose de mécanique. Ce n’était pas un mélange agréable.
“Illumination !” dit le marchand.
Immédiatement une lumière brillante banches emplit la pièce, aveuglant temporairement les compagnons. Les autres créatures de la pièce n’étaient pas non plus contente de l’action et il y eu des cris de douleurs qu’on aurait pu retrouver dans une nurserie. Ses yeux s’habituant à la lumière, Nuada vit que le marchand se tenait devant John et Nimue, qui étaient bien vivants ! Cependant, ils auraient préférés que ce ne soit pas le cas car chacun d’eux était étendu, nu et installé sur une étoile à trois pointes. Ils avaient de monstrueux tubes vivants sortant de la bouche et ils étaient retenus sur l’étoile par des créatures dont l’étreinte faisait gémir de douleur Nimue et John. La peau de John était couverte de ce qui ressemblait à des pustules se contractant et grandissant. Horrifiant Nuada, l’une des créatures éclata libérant une petite créature, moitié Dvergr, moitié abomination, qui tomba sur le sol bruyamment. La créature réagit comme un nouveau-né et se mit à pleurer, un son horrifique qui hanterait pour toujours ceux l’ayant entendu. Le marchand avança vers le bébé, le pris dans ses bras et le berça comme une mère berce son enfant.
“Est ce qu’il n’est pas mignon ?” Dit le marchand “Il sera parfait dans notre maison.”
Estomaqués, les compagnons remarquèrent que Nimue allait aussi donner naissance, mais d’une façon plus traditionnelle pour une femme de ce monde. Son ventre commençait à se contracter alors qu’elle ressentait la douleur de l’accouchement. Ce bébé fut immédiatement aspiré de son ventre par ce qui ressemblait à un tube vivant attaché à son corps. Aussitôt le bébé éjecté, son ventre commença à gonfler à nouveau comme si elle était une fois de plus enceinte. Nuada qui ne pouvait pas en supporter plus chargea le marchand.
“Oh mon cher, es-tu énervé ?” Dit le marchand “ Quel dommage, je pensais que tu serais fier de ce que tu nous a aidé à faire. J’étais sur le point de t’expliquer la meilleure partie ! Nous avons décidé que tu resterais avec Nimue et John pour toujours. Après l’avoir étudiée, j’ai pensé qu’il serait amusant de vous combiner tous les trois. Est-ce que ça ne te plairait pas ? “
A la prononciation de ce dernier mot, Nuada fendit l’air de son épée et sépara nettement la tête du marchand de son corps.
“Non pas vraiment” dit Nuada alors que la tête du marchand tombait au sol, rapidement suivie du corps. La créature nouvellement née rebondit sur le sol et s’enfuit dans un endroit indéterminé, “maintenant libérons les et quittons cet endroit.”
A ses mots les compagnons avancèrent vers le lieu d’accouchement de John et Nimue.
“Vous ne pensiez pas que ce serait si simple quand même ?” dit le marchand.
Tout le monde se tourna vers le marchand pour constater qu’une nouvelle tête avait poussé émergeant de son corps.
“Après tout, ce n’est pas un conte de fées ou une histoire folklorique” dit le marchand, secouant sa nouvelle tête. “Ceci est notre monde et vous avez été fou de revenir ici mais nous vous remercions de l’avoir fait. Pour ceux qui survivront nous aurons des dizaines d’années pour apprendre à nous connaître. Je suis si content que tu aies amené des amis Nuada, il y a un paquet de combinaison à travailler ici.”
Le marchand claqua des doigts et la pièce devint soudainement pleine de vieilles versions des créatures dont ils venaient de voir la naissance.
“Essayez de les garder en vie mes chéris” dit le marchand à ses créatures.
“Particulièrement le grand stupide.” Ainsi commença la bataille entre les horreurs vivantes, Nuada et ses compagnons.
Debout devant la salle d’accouchement, entouré par des créatures qui donneraient des cauchemars à un cauchemar, Nuada était certain d’une chose, il n’abandonnerait personne cette fois ci. Fixant le marchand des yeux, le regard de Nuada perça l’âme du marchand tel la Lance de la Victoire (l’un des quatre trésors que Nuada venait récupérer) perce la chair. A travers ces yeux sans âme, Nuada vit pour le première fois une lueur d’hésitation comme un soupçon de doute traversant le visage du marchand. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était suffisant pour convaincre Nuada que lui et ses compagnons avaient une chance de survivre à l’affrontement inéluctable. Il importait peu à Nuada de survivre, du moment que cet endroit était purgé. Peut-être que sa mort assurerait la victoire de ses compagnons.
Nuada, sentant que le moment était venu, bondit vers le marchand, le visage crispé et poussant un cri primitif. La surprise du marchand était complète l’expression du visage de Nuada rayonna d’une douleur brisant l’âme. Atterrissant à quelques pieds en face du marchand, l’épée de Nuada traversa sans difficulté les jeunes horreurs le protégeant comme s’il s’agissait de leur mère. Le marchand, déstabilisé par le coup de Nuada, sourit à peine et leva son bras vers Nuada. Sa main se changea en des tentacules difformes qu’il lança pour saisir le bras d’argent de Nuada, cherchant à l’arracher de son logement. Miach avait fait du bon boulot, peu importe la force de traction que le marchand exerçait, le bras restait fermement attaché. Pendant ce temps, les compagnons de Nuada avaient engagé le combat, ils se battaient non seulement pour leurs vies mais aussi pour leurs âmes.
Comme le supposait Nuada, l’hamadryade était plus qu’une simple soigneuse, elle avait voyagé de nombreuses fois dans les StormLands et gagné de nombreuses batailles contre des abominations. Son bâton fouetta l’air avec la même expertise que l’épée de Nuada et il brisa les crânes des créatures assez stupides pour le dresser contre elle. Elle avait une surprise déplaisante pour ceux assez malin pour l’attaquer de dos, sa queue. La première créature à s’y risquer apprit à ses dépens que la queue de l’hamadryade pouvait être une arme redoutable. Pensant la frapper de dos et sans protection, sa queue se leva tel un cobra, ondulant d’avant en arrière en face de l’horreur. La chose, hypnotisée par les mouvements de la queue, restait simplement là à roucouler sur un ton désespéré. Avant que la créature ne puisse retrouver ses esprits, la fourrure de sa queue recula révélant une rangée de dents aiguisées. La queue frappa comme une vipère, s’accrochant au visage de l’horreur et injectant assez de venin pour la tuer sur le coup. Plusieurs victimes plus tard, les horreurs semblèrent décider qu’il était plus prient d’attaquer l’hamadryade de face. Il semblait que ces créatures étaient doué d’une certaine forme de compréhension, ce qui troublait grandement la soigneuse.
Les autres compagnons se retrouvèrent aussi à vaincre ces créatures. La femme HelBound avait jeté son masque et commençait à invoquer la puissance de ses ancêtres pour accroître l’horreur de son propre visage. De près elle était aussi redoutable que n’importe lequel d’entre eux, elle tuait littéralement de peur les créatures. Maniant un bâton à deux têtes, elle apportait la mort aux abominations autour d’elle rendant de la vie à ses compagnons. Pour elle le combat était un mélange de joie, d’extase et de mort. Son rire sauvage faisait écho dans les halls. Il terrifiait les ennemies et accroissait le moral de ses compagnons. Nuada entendit son rire et ajouta le sien, bien que pour l’instant le marchand avait encore le dessus. La chambre continuait de s’emplir d’inimaginable abominations. La plupart semblait être des versions plus âgées des créatures fraîchement nées, d’autres se composaient de plusieurs races de ce monde. Il y avait des mélanges improbables d’organes mâles et femelles, de dents, de plumes, de griffes et tentacules, beaucoup de tentacules, présents dans cette pièce vivante sentant le cauchemar.
Le mage Gargouille se révéla lui aussi un problème pour les créatures. Sa magie ardente cuisait la peau de ces horreurs. Elles brûlaient rapidement et leurs cris de douleur apportaient du réconfort aux compagnons. Lorsque les ennemis s’approchaient trop, il changeait sa peau, bien que seulement la partie frappée de son corps. Il se transformait juste après avoir reçu un coup, piégeant ainsi les créatures. Attachées à sa peau, elles étaient incapables du moindre mouvement et servaient de cible pour les autres. Malheureusement son pouvoir s’épuisait, même s’il l’utilisait avec parcimonie.
Tous les compagnons ne s’en sortaient pas aussi bien. Déjà trois d’entre eux étaient étendus au sol sans mouvement. Le premier était un guerrier Stormrider qui avait retiré son armure défiant les créatures de l’attaquer. Malheureusement elles le firent en nombre important et il fut complètement submergé. Leurs poids cumulés le firent s’agenouiller mais il combattait toujours, des charges électriques parcourant ses cicatrices sous l’effort. Malgré l’encombrement, il semblait capable d’ignorer les blessures physiques. Lorsqu’il perdit son bras droit, il prit simplement l’arme de la main gauche. Sa volonté était inflexible, mais il n’en était pas moins mortel et son corps fini par s’effondrer.
De l’autre côté de la pièce une paire de Luchorpans combattait dos à dos essayant de retenir la marée de créature qui menaçait de les engouffrer. Ils n’étaient pas de grands guerriers, mais ils avaient une panoplie d’astuces pour distraire, retarder et blesser les créatures. A un moment ils se tenaient dos à un bassin d’acide et provoquaient les horreurs pour les attirer vers eux. Ils attendirent que les créatures se précipitent sur eux et disparurent. Des douzaines d’abominations plongèrent la tête la première dans le bassin et furent dissous vivantes, leurs cris s’ajoutant à la cacophonie de douleur. En réapparaissant, les Luchorpans se félicitèrent victorieux se tournant face à leurs ennemis mais furent submergés avant d’avoir le temps de dire “ouf”. Physiquement inférieurs à ces horreurs, ils furent facilement mis à terre et horriblement mais rapidement dévorés.
Les monstres continuaient d’affluer. Peu importe combien étaient détruits il y en avait toujours d’avantage. Évaluant le champ de bataille Nuada vit qu’il était bloqué, dès qu’une créature était tuée, deux autres rejoignaient les rangs. Nuada sentit ce sentiment familier de regret mais le combattit et continua le combat. Il senti un soudain élan d’espoir lorsqu’il aperçut la Valkyrie et un jeune Tuatha Dé Danann combattant les abominations à coté de John et Nimue. La Valkyrie était éblouissante, ses ailes entourées d’un feu bleu vibrant, un feu qui ne brûlait pas comme un feu “normal”. Elle était armée de deux lances, chacune d’elle irradiant de cette flamme bleue. Elle détruisait rapidement des tas de créatures à chaque coup. Elle était une vision magnifique, provoquant les créatures, les attirants dans la bataille avec sa simple force de volonté. Couverte de sang, elle semblait gagner en puissance à chaque coup porté et les horreurs commencèrent à reculer alors que la dévastation dont elle était capable de causer devenait une évidence. Par moments ses lances étaient tellement pleines de créatures qu’on aurait dit un tournebroche en train de lentement faire cuire des poulets.
Le jeune homme Tuatha Dé Danann était aussi efficace que sa “soeur de bataille”. Son épée, bien que de moindre qualité par rapport à celle de Nuada, déchirait les créatures dans un grand arc, les découpant en deux comme l’eut fait l’oeil de Balor. C’était un homme sérieux et bien qu’il n’apprécie pas le combat, son talent était formidable, en dépit de sa jeunesse. Nuada se fit la remarque que lorsque la bataille serait finie il faudrait apprendre à le connaître. Voyant cette situation il savait que Nimue et John était dans de bonnes mains, il tourna donc son attention vers le marchand.
Se libérer des tentacules du marchand ne fut pas une tâche facile. La peau externe des tentacules était bien renforcée et il lui fallut toute sa force pour les trancher. Son épée maintenant libérée, Nuada trancha à travers les horreurs venues protéger le marchand. L’un des avantages d’un bras en argent magique était qu’il ne se fatiguait pas facilement et petit à petit il forçait le chemin vers le marchand qui ne se préoccupait guère du massacre de ses créations. Cette incompréhension devait se lire sur le visage de Nuada car celui-ci le remarqua.
“Tu te demandes pourquoi je suis si calme ?” Ricana le marchand, “tu ne comprends décidément rien à notre foyer n’est-ce pas ? nous sommes légion à travers The Depths. Bien sûr, tu pourras tuer une partie d’entre nous, tu pourras même me tuer mais nous ne faisons qu’un et nous reviendrons toujours.”
“Je te détruirai. Même si ça doit me prendre ce qu’il reste de ma vie,” dit Nuada, “même si ça signifie mourir. Et si je meure, d’autres se lèveront pour dernière ce lieu d’horreur. Tu peux en être certain.”
“C’est si mignon, si naïf et si stupide,” dit le marchand, “ton peuple ne détruira pas cet endroit ! Ils combattront pour en découvrir les secrets et lorsqu’ils l’auront fait, ils voudront en savoir plus. Ce n’est que notre première danse Nuada, il y en a bien d’autres à venir,” gloussa le marchand.
Puis le marchand commença une autre transformation, cette fois il prenait la forme de Nimue. Nuada fut brièvement pris de court et en réalité si préoccupé qu’il ne vit pas l’horreur bondissante avant qu’elle ne lui saute au cou. Nuada attrapa la créature mais celle-ci le mordit avant qu’il ne puisse l’arrêter, elle le mordit profondément, déchirant la chair laissant une blessure profonde dans laquelle elle injectait du poison. La fasse Nimue avança vers Nuada. Elle s’agenouilla pour regarder de plus près Nuada, qui essayait de contenir ses blessures, et elle entendit un bruit étrange.
“Chargez !” Rugit Miach qui avait visiblement rejoint le combat. Levant les yeux, le marchand vit deux Dvergars le charger à pleine vitesse. Ils regardaient vers le bas et leurs têtes se changeaient en pierre à mesure qu’ils courraient pour rapidement ressembler à deux béliers à tête de pierre. Avant même que le marchand n’ai l’idée de réagir, ils le frappèrent simultanément dans le ventre, l’éjectant en arrière, encore et encore. Voyant l’état de Nuada, Miach chercha la soigneuse.
“Hey toi, viens ici et soigne notre intrépide chef, il a choppé un beau suçon de la part d’une de ces saletés !”
Beugla Miach, éclatant l’une des créatures entre ses mains de pierre.
Entendant ça et voyant Nuada, elle dispersa rapidement les dernières créatures la harcelant et couru l’aider. Elle plaça une main sur lui pour le soigner et fut capable de refermer la blessure.
“Calme-toi Nuada,” dit-elle pour l’apaiser, “la battaille est finie pour toi. Nous allons nous occuper de lui.”
“Oui. Maintenant que les Dvergr sont là, c’est une question de minutes” se vanta Miach, frottant ses mains “de plus, regarde notre beauté ailée, elle n’y a pas laissé une plume !”
“Combien de temps un Viking peut-il se battre ?” cria Miach au Viking qui voudrait répondre, “Toute la journée et toute la nuit !”
“Le marchand est à moi” dit faiblement Nuada, “Soigneuse, je sais que tu peux m’aider à faire ça.”
“Non Nuada, je ne peux pas” dit-elle tristement.
“Ne me mens pas. J’ai finalement compris qui tu étais” dit Nuada.
“Ça aura pris le temps” marmonna Miach.
“Tu es elle, la mère de notre peuple” dit Nuada “Hamadryas.”
“Oui Nuada, c’est moi” opina Hamadryas.
“Tu as la force pour me réparer… n’est-ce pas ?” dit Nuada.
“Oui, mais il y a un terrible prix à payer” dit Hamadryas.
“Je suis prêt à payer le prix, quel qu’il soit.”
“Dans quel but Nuada ?” Demanda-t-elle, “pour tuer encore et encore ?”
“Pour sauver mes amis, notre peuple et commencer à rétablir l’équilibre… Ça n’a pas de prix pour moi, même si je dois être oublié à jamais” dit Nuada.
“J’aurais aimé que tu n’aies pas dit ça Nuada” dit Hamadryas “Mais je suis fier de toi. Miach, maintient le au sol ça va lui faire mal, très mal.”
La bataille faisait rage autour d’eux, vie et mort se mêlait à travers la chambre, tout comme dans Nuada. Hamadryas fit appel à ses pouvoirs. Elle soigna la blessure en la transférant à elle-même et déversa sa puissance vers Nuada. Épuisant ses forces, elle conféra à Nuada une vitesse et une force accrues. Nuada se senti intensément revigoré et bondit littéralement.
“Prends soin d’elle Miach” dit Nuada, “Je reviens dès que possible.”
Nuada chargea le marchand qui, voyant sa résurrection et l’immense puissant qui l’animait, décida qu’il était temps de quitter la chambre. Alors qu’il s’exécutait, Nuada se mit à le suivre quand il entendit la voix de Miach.
“Attends ! Et si tu utilisais ta toute nouvelle force pour libérer Nimue et John,” dit Miach, “A moins que tu ne sois juste trop occupé ?”
Beaucoup de pensées malsaines lui parcoururent l’esprit, y compris celle d’enfoncer un certain Dvergr dans sa montagne favorite, mais Nuada se précipita vers ses amis prisonniers. Aussi fort souhaitait il la mort du marchant, il devait faire un choix et le fit.
“Valkyrie. Donne-moi un coup de boost !” dit-il.
Lorsque Nuada fut au niveau de la Valkyrie, elle plaça ses mains en forme de coupe et projeta Nuada dans les airs en direction de Nimue. Il atterri sur le tube qui éjectait des horreurs de son corps. Il démonta le tube de sa bouche, son flux de substance inconnue se déversant à présent sur le sol. Il libéra ses liens et détruisit le tube à la base. Il la plaça délicatement sur le sol.
“Repose toi ici Nimue,” dit Nuada, “Tu seras sur pied rapidement. Et merci pour ta bravoure, je suis désolé que tu aies tant souffert pour ton acte.”
Puis il se baissa pour lui donner un baiser sur le front. Il libéra John et se mit à la recherche du marchand. Nuada pensait l’avoir perdu, mais il se dit qu’il devait réfléchir et penser comme son adversaire. Où pouvait-il aller ? Un éclair traversa immédiatement son esprit, il n’y avait qu’un endroit où il pouvait être, le trône où se trouve Bres, la chambre qui l’espérait il cachait les trésors de Tuatha Dé Dannan.
Durant sa course, son esprit fut consumé par l’envie de revanche envers le marchand. Peu importe combien ses actions ou celles de Bres étaient mauvaises, c’était le marchand et ses mensonges qui était la cause de tout ça. Le temps pour atteindre le trône lui semblait une éternité. Il fut conforté car Bres se tenait toujours sur le trône, ce qui changea lorsqu’il remarqua le marchand se tenant juste derière lui.
“Marchand !” cria Nuada.
“Hmm. Tu n’es peut-être pas aussi stupide que je l’imaginais,” dit le marchand “d’un autre coté…” ajouta-t-il alors qu’il libérait Bres de ses liens magiques. Bres se tourna alors vers Nuada.
“Nuada !” cria Bres “Comment oses-tu envahir mon royaume ?”
“Bres” dit Nuada “Tu as été trompé. Où penses-tu te trouver ?”
“Sur mon throne à Tir Na nÓg, bien sûr,” grogna Bres.
“Non, tu es dans The Depths” dit Nuada, “tu as été trompé par la même créature m’ayant trompé.”
“Bêtise,” répondit Bres visiblement irrité par l’intrusion. Balayant l’air de la main il ajouta “Je peux voir le rivage par la fenêtre. Je sens les odeurs du marché et je te vois debout sur mon tapis.”
Sur ces mots Bres attrapa la Lance de la Victoire, dont la cachette était masquée par un sort, et couru droit vers Nuada. Nuada, sachant que Bres était sous l’emprise d’un enchantement, compris que le combat ne serait pas aisé, pourtant il se tint en arrière ne voulant pas tuer Bres avant de connaître la vérité sur la trahison de son vieil ami. Bres combatti bravement pendant quelques instant et soudainement, s’écroula sur le sol. En s’approchant de lui Nuada pu voir qu’il avait grandement vieilli.
“Bres” dit Nuada.
“Nuada,” dit Bres “Où suis-je ? Que m’est-il arrivé ?”
“Tu es dans The Depths” répondit Nuada, “Tu es en train de mourir et je ne peux rien faire pour te sauver. Ce fils d’abomination de marchand t’a trompé tout comme moi !
“Marchand ?” dit Bres “Je ne vois ni marchand, ni homme. Celui qui m’a guidé était la plus gentille et la plus belle femme qu’il m’ait été donné de voir. Elle m’a dit que je devais sauver notre peuple, notre monde. Elle m’a prévenu que tu serais le destructeur de notre peuple et que seul l’aide de Balor pourrait nous sauver. Est-ce que j’ai réussi ? Est-ce que j’ai sauvé notre peuple ?
“Oui Bres,” dit Nuada “Tu as réussi.”
“Je suis tellement soulagé” Bres inspira, son corps s’écroulant plus encore, le restant de tension à présent dissipé. “Je suis désolé mais je dois partir…”
“Comme c’est touchant,” se moqua le marchand “quel dommage qu’il ait dû nous quitter si tôt. Vous nous avez tellement nourri de pouvoir, nous détestons vous voir partir.” Cette fois cependant, le marchand n’était pas aussi convainquant que la dernière fois.
“Où sont tes horreurs maintenant marchand ?” demanda Nuada, qui prit la lance sur le sol et l’attira à lui, “cette fois, c’est entre toi et moi.”
“Et pourtant tu es encore en sous nombre,” dit le marchand avec un profond mépris. Nuada ne préparait à l’assaut, mais le marchand se tourna pour courir.
Au lieu de le poursuivre, Nuada arma lentement son bras derrière lui et attendit que le marchand soit sur le bord du chemin surplombant la bouche géante qui patientait calmement. Le marchand s’approcha du bord et Nuada projeta la lance sur lui.
“Marchand !” dit Nuada.
Comme celui-ci se tournait vers lui, la lance traversa son corps de part en part avant de se planter dans l’un des murs. Nuada trouva cela étrange, car l’une des propriétés magiques de la lance était de revenir à ton vrai propriétaire. Proche du déséquilibre, le marchand vacilla, manquant de tomber dans le fossé avant de retrouver l’équilibre.
“Hah ! Je t’avais dit que tu étais stu…” dit le marchand alors même que Nuada le frappait dans le ventre, précipitant les deux dans le fossé.
“Et je t’avais dit que je te tuerais” dit Nuada.
Chutant vers la grande mâchoire, le cri du marchand fut identique à celui des jeunes horreurs. Le bras du marchand se changea à nouveau en tentacules et il essaye de ralentir leurs chutes vers les dents. Nuada attaquait les tentacules en continue les empêchant de faire ventouse contre le mur. Pendant la chute, Nuada cria une malédiction à l’intention du marchand et d’aussi loin qu’il se souvenait, c’était la première fois que le marchand était effrayé. Une fois la malédiction portée, Nuada, héros et inconscient, guerrier et sauveteur, mourus dans un sourire. Au moment de sa mort, la connexion entre Hamadryas et Nuada fut irrémédiablement et brutalement coupé. Hamadryas, tout comme le marchand, ressenti quelque chose qu’ils n’avaient pas sentie depuis des siècles. Une larme perla le long de sa joue.
Pendant ce temps, les compagnons restant se défendaient dans la chambre d’accouchement. Le marchand étant mort, aucune nouvelle créature n’arrivait et la bataille tournait en faveur des compagnons. Le pire était derrière eux et aucun des survivants ne souhaitait rester dans la pièce pour compter les corps indénombrable des horreurs gisant sur le sol.
Nimue et John étaient étrangement en bonne condition physique, en effet il était dans l’intérêt pour The Dephts de les garder ainsi. Mentalement par contre, les deux étaient traumatisés et n’avaient pas grand-chose à dire à leurs sauveurs. En vérité, ils n’étaient pas certains que tout ceci était réel. Lors de leur captivité, le marchand les avait torturés mentalement et physiquement pour briser leur sens de la réalité et leur estime en eux. Miach conforta John et essaya de lui remonter le moral mais John restait silencieux. La Valkyrie prit soin de Nimue du mieux qu’elle pue, mais elle non plus, n’était pas prête à interagir avec ses sauveteurs. Cependant elle appela “Nuada ?” mais personne n’eut le coeur de lui répondre.
Hamadryas avait récupéré sa force. La mort de Nuada lui restitua une partie de l’énergie qu’elle lui avait prêtée pour tuer le marchand. La soigneuse ce qu’elle put, mais un compagnon de plus, une femelle Cait Sith, succomba à ses blessures. Comme les autres, elle avait combattu bravement, par moment se déplaçant si vite dans les rangs des horreurs qu’elle paraissait n’être rien d’autre que des crocs, dagues, griffes furtifs. Avant de mourir elle supplia Hamadryas de lui promettre de l’enterrer chez elle et de conter sa bravoure à Arthur. Hamadryas accepta volontiers et lui assura qu’elle préservera son corps le temps de le ramener chez elle. Lorsqu’elle fut morte, le reste des compagnons quitta la terrible chambre.
En arrivant dans la salle du trône, ils virent que Bres était encore vivant bien que très faible. Ils essayèrent de le soigner mais il était parti trop loin et ils étaient trop faibles suite à leurs propres combats pour l’aider plus en avant. Avant qu’il ne meure, il put raconter le sacrifice de Nuada et la position des trois trésors restant. Hamadryas le remercia et Bres lui demanda pardon. Avant qu’elle ne put répondre, Bres avait lui aussi rejoint le rang des morts.
Avec les instructions de Bres, le jeune guerrier Tuatha Dé Danann pu retrouver la Lance de la Victoire dans le mur et la rapporter à ses amis.
“Elle semble faite pour mes mains” dit le guerrier.
“Oui Lugh, on dirait” dit Hamadryas “Fais en bon usage”. Lugh opina simplement.
Les compagnons se reposèrent un instant. Après avoir regroupé leurs morts, ils récupérèrent les trésors de Tuatha Dé Danann. Miach marchait sur le bord duquel Nuada avait plongé vers la mort et regarda en contre bas vers la gueule grande ouverte. Dans sa main il tenait un cadeau qu’il avait fabriqué sur la forge dorée, il était pour Nuada. Ce n’était ni une arme, ni une armure, c’était un simple bijou. Il était fait de trois épées uniques emboîtées au milieu desquelles se trouvait le symbole de Tuatha Dé Danann. Miach regarda vers la bouche ouverte, pensant à son ami il laissa tomber le cadeau de sa main, ajoutant “Fait bon voyage mon ami.” Mais restant lui-même il ne put s’empêcher de penser à cette gueule géante et se dit qu’il espérait “qu’elle s’étouffe avec.”
Sortis de The Depths les compagnons prirent le temps de se remémorer longuement tout ce qu’il c’était passé, de peur d’oublier. Ils répandirent leur histoire à travers les trois Royaumes tout en rentrant chez eux. Nuada serait à jamais inscrit dans la mémoire de notre peuple comme l’un de nos plus grands héros. Personne ne le revit jamais, ni dans ce monde ni dans un autre.
Cette aventure fut l’une des dernières fois où les trois Royaumes purent travailler ensemble. Il est dit que le conte de Nuada se répandit comme une Tempête du Voile et sur son chemin il restait de l’espoir, pas de la dévastation ce qui aida à retarder les évènements qui allaient conduire à la deuxième scission du monde.
Quand à comment Lugh, ayant les quatre trésors de son coté, continua le travail de Nuada et restaura les Tuatha Dé Danann, se sera pour un autre jour. Il est dit que Lugh apprit beaucoup des erreurs de Nuada. Ses qualités de chef furent cruciales pour la reconstruction de son Royaume et la survie à la seconde scission du monde.
“Très bien” dit l’instructeur grisonnant “c’était une excellente récitation. L’une des meilleures que j’ai entendu.”
“Merci” dit l’apprenti.
L’apprenti et l’instructeur sortirent de la Salle du Becoming, où le jeune apprenti ferait le sacrifice final qui marque tous les Silverhands. Car il était maintenant temps pour lui de commencer sa propre histoire, avec un bras de métal, remplaçant son bras de chair.
L’artisan Dvergr Miach avait aussi survécu à The Depths, et en remerciement de tout ce qu’il avait appris et de l’amitié de Nuada, il offrit aux Tuatha Dé Danann le secret de la fabrication des bras en métal. En remerciement supplémentaire, il eut la mémoire de ce secret efface à jamais. Aujourd’hui, seul un artisan Tuatha Dé Danann est capable de fabriquer de tels bras.
Ainsi s’achève la légende des Silverhands.
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