Principe Fondamental #13 – Quand le chaos fait « Booum! »

C’est l’heure d’un nouveau billet d’Andrew !

 

L’une des choses dont je me souvienne dans les premières heures des MMORPG est que, chaque fois que vous réunissiez des joueurs de UO (Ultima Online) ou EQ (Everquest) dans une même pièce, la conversation déviait indéniablement vers des discussions telles que « Ah vraiment ? Attend, laisse-moi te dire le truc incroyable qui est arrivé à MON perso…. »

 

Chaque personnage avait sa propre histoire, et c’est une chose qui a été très largement perdue  dans les dernières fournées de MMOs. Ne vous méprenez pas : le dernier MMO sur lequel j’ai passé du temps avait une très bonne trame. Il possédait une bonne intrigue. Il y avait des gentils, et des méchants. Il y avait des personnages ayant chacun leur propre histoire et leur propre vie, et on tenait à eux. Mais cette histoire n’était pas vraiment mon histoire. C’était l’histoire que les scénaristes me racontaient, et ils racontaient la même histoire à tous les personnages de la même classe/race/tribu/etc. que moi. J’aimais leur histoire, mais une fois arrivé au bout, je mettais le jeu de côté comme vous posez un livre ou un film sur votre étagère après l’avoir vu.

Quand je parle aux autres personnes qui ont aimé jouer à ce jeu, la conversation est plus du genre « Eh, tu devrais revenir et tester cette autre classe ; elle a vraiment des bons trucs ». Il n’y a pas vraiment plus à dire, à part peut-être : « Eh, vous vous souvenez de ce que l’on a tous vu ? C’était bien hein. Oui… bien. »

 

 

S’il y a un but important que j’aimerais que l’on atteigne avec ce jeu, en plus de tous les autres principes dont nous avons parlé, c’est de retourner vraiment à une base où tous les personnages ont leur propre histoire. Pour moi c’est l’intérêt du RvR et d’une économie faites par les joueurs – vos interactions avec les autres ne seront pas les mêmes que tout le monde. C’est une des motivations qui nous aide à monter notre système d’artisanat – nous voulons que les joueurs soient capables de fabriquer des objets que nous n’avons pas forcément prévu, qui ne seront pas exactement les mêmes que les autres. C’est aussi un des motifs pour le système de housing – ayant la chance de pouvoir faire votre propre maison, vous ne le ferez pas de la même manière que tout le monde.

 

Ce sont les grands concepts. Mais il y a une autre facette à cette philosophie qui s’applique à un niveau plus bas, lors de vos interactions de tous les jours. Mark a parlé du côté aléatoire des choses dans son Principe Fondamental #8, et c’est une grosse partie de cela, mais vous ne pouvez pas porter l’aléatoire trop loin au risque de donner aux joueurs l’impression d’avoir été battu par un jet de dé invisible plutôt que par leur ennemi. Vous ne voudrez jamais que quelqu’un ressente à cause d’un jet à l’aveugle, qu’ils sont en train de jouer à un jeu plus dur que les autres. Et c’est là où d’autres mécaniques doivent prendre la main – des mécaniques « chaotiques », mais déterminées. Des mécaniques qui interagissent entre elles de manières intéressantes de façons à produire des résultats inattendus, même s’ils suivent des règles strictes, et prévisibles.  C’est le « Conway’s Game Of Life » (ndlr : un jeu qui se construit et réagit seul, sans interaction envers le joueur en dehors du premier mouvement – http://en.wikipedia.org/wiki/Conway’s_Game_of_Life ). C’est l’intelligence générée par une colonie de fourmis  stupides. C’est être sauvé d’un crabe de boue par un géant (ndlr : référence à Skyrim – http://www.youtube.com/watch?v=QqaFGemOxW0&feature=youtu.be ).

 

Et cela nous amène à la physique. Une fois que vous l’intégrez à la base du jeu, vous ouvrez la possibilité à des choses qui vont bien plus loin qu’un simple modèle de combat « papier-crayon ». Ce mur du château n’est pas juste passé au stade « détruit ». Le morceau que vous avez retiré a atterri à un endroit, ou sur quelqu’un. Cette boule de feu n’a pas juste « loupée » sa cible. Elle avait une position dans le monde, et si elle n’a pas atteint sa cible, alors elle doit atterrir quelque part. Si quelqu’un se met sur son chemin alors il va avoir une mauvaise surprise – ou sauvera héroïquement son compagnon ! Et d’une manière ou d’une autre, cela sera une Histoire. Cela sera quelque chose qui vous sera arrivé, à vous, et pas à une autre personne. C’est le genre de choses qui font le contenu des vidéos YouTube.

 

Il y a plus de 10ans, j’ai eu la chance de travailler sur un opus de la série des jeux « Myth ». Ces jeux sont absolument réussis sur le point que je mentionne ici. Je ne peux pas avoir le crédit de ce qu’ils ont fait, car je ne suis arrivé que pour la suite de la suite, mais je peux dire que j’ai beaucoup appris de cette expérience. Voici une vidéo aléatoire d’une partie multi-joueurs (http://www.youtube.com/watch?v=Bg5jzRhLX40&feature=youtu.be&t=2m49s). Le moment important (et il y a des moments tels que celui-ci dans presque toutes les vidéos de la série), et de 2 :49 à 3 :20, lorsque l’un des joueurs tue une bonne partie de ses propres troupes. Tout le monde a ri. Celui qui a fait ça n’est pas franchement content, mais il ne sent pas floué pour autant. Ce n’est pas une chose que lui a infligé le jeu, et ce n’était pas aléatoire. C’est la résultante « chaotique », mais prévisible, de ses actions. De plus, les « erreurs de mouvement de tiny » (ndlr : Tiny est le nom du joueur sur la vidéo), ont créées une petite histoire (ndlr : jeu de mots « tiny » et petit en VO). C’est une chose dont on pourra reparler autour d’une bière. C’est à la fois particulièrement drôle et significatif pour ces joueurs, d’une manière bien plus forte que n’importe quelle voix off pourrait l’être.

 

La physique n’est pas une fin en soi. Nous allons essayer de trouver le bon équilibre. Pour prendre un exemple évident, vous ne pourrez pas utiliser la physique pour pourfendre ou éclater votre propre camp. (A cause des traîtres et des fauteurs de trouble, c’est pour ça !) Mais, en laissant cet élément « chaotique » dans le monde, nous permettons à chaque joueur de vivre une expérience unique. Cela représente moins de contrôle pour nous en tant que développeurs, mais nous n’avons pas peur d’adopter cette démarche.

 

– Andrew